Portraits oubliés des ducs de Poméranie, des ducs de Silésie et des monarques européens - partie II2/24/2022
Cranachiana de Poméranie
Comme en Sarmatie et en Silésie, la renommée de l'atelier de Cranach en Poméranie fut transmise par les marchands, les étudiants et les disciples de Luther et de Mélanchthon, mais aussi par les liens familiaux des familles régnantes d'Europe. On suppose que c'est par l'intermédiaire de ces liens familiaux que les œuvres de Cranach parvinrent en Suède dans la première moitié du XVIe siècle, grâce aux relations de la première épouse du roi Gustave Eriksson Vasa (1496-1560), Catherine de Saxe-Lauenbourg (1513-1535) (d'après « Die biblischen Historiengemälde der Cranach-Werkstatt » de Katharina Frank, p. 208). Les tableaux de Jésus et de la femme adultère, peints par l'atelier de Cranach après 1537, et La Multiplication des pains, également de Cranach l'Ancien et de son atelier, peints entre 1535 et 1540, tous deux conservés au Nationalmuseum de Stockholm (inv. NM 253 et inv. NMGrh 2335), sont considérés comme provenant de la collection de Gustave, mentionnée dans l'inventaire de 1548 du château de Gripsholm. Le nom du peintre n'est cependant pas mentionné.
L'histoire de la Poméranie fut presque aussi mouvementée que celle de la Sarmatie et de la Silésie, c'est pourquoi peu de peintures originales liées à Cranach et à son atelier ont survécu. Deux grands tableaux attribués à l'atelier du peintre se trouvent aujourd'hui dans la cathédrale de Kamień Pomorski - Le Christ portant la croix (panneau, 214 x 147 cm) et La Crucifixion (panneau, 218 x 144 cm). Le premier tableau est signé de l'insigne de l'artiste (serpent ailé) et daté « 15/27 » dans le coin inférieur gauche. Jusqu'en 1945, les tableaux se trouvaient dans l'église de Sielsko (Silligsdorf), dans le domaine de la famille von Borck. Le retable de Gryfino, aujourd'hui conservé au Musée national de Szczecin (inv. MNS/Szt/1169/1-3), a été peint par David Redtel (1543-1591) pour l'église de Gryfino (Greifenhagen en allemand) en 1580. Redtel, arrivé en Poméranie en 1574 de Torgau en Saxe, devint peintre de cour du duc Jean-Frédéric. Dans cette œuvre, on peut voir les influences de la peinture flamande et hollandaise, ainsi que celles de Cranach, dans la composition et la technique. Le tableau le plus célèbre de Cranach, qui se trouve dans les anciens territoires du duché, à Szczecin, est le portrait de Philippe Ier (1515-1560), duc de Poméranie-Wolgast (Musée national, huile sur panneau, 61,5 x 42,8 cm, inv. MNS/Szt/1382). Il est intéressant de noter que ce tableau n'a probablement jamais été en Poméranie avant 1935. Au XIXe siècle, il appartenait aux ducs de Saxe-Weimar à Weimar et avant cela probablement à Gottfried Christoph Beireis (1730-1809) à Helmstedt, Royaume de Westphalie. Le tableau a été acquis en 1935 par le biais du commerce d'art de Berlin pour le Musée provincial de Szczecin. Il a été perdu pendant la Seconde Guerre mondiale et acheté en 1999 à Zurich par le Musée national de Szczecin. La provenance la plus fiable est celle de la collection ducale de Weimar. Il pourrait donc s'agir d'un don de Poméranie réalisé à Wittemeberg ou d'un tableau commandé pour la collection d'effigies de princes contemporains. Après 1535, le château gothique tardif de Weimar fut transformé en palais Renaissance pour le mécène de Cranach, l'électeur Jean-Frédéric Ier le Magnanime (1503-1554). Le tableau de Szczecin est donc l'une des nombreuses versions de l'effigie créée par l'atelier de Cranach, dont le prototype était probablement le tableau mentionné dans l'inventaire de 1560 parmi les peintures de la résidence de Philippe à Wolgast comme un original de Cranach (M. g. H. Herzog Philips zu St. P. – durch Lucas Maler mit Olie 1541), peint sur toile (An Contrafej auff Tüchern). Le tableau de Wolgast fut très probablement détruit en 1628 lorsque le château fut pillé et endommagé par les troupes danoises et impériales. Le dessin d'étude de cet original se trouve au musée des Beaux-Arts de Reims (détrempe et fusain sur papier, 34,8 x 23,7 cm, inv. 795.1.266). Une autre copie a probablement été réalisée par l'atelier de Cranach avant février 1547 pour la collection du roi Sigismond Auguste à Vilnius. Bien que l'on pense que le tableau original ou les dessins d'étude ont été réalisés par Cranach en 1541, lorsque Philippe Ier s'est arrêté chez les parents de sa femme Marie de Saxe (1515-1583) à Torgau ou à Wittenberg en route vers ou depuis la Diète impériale de Ratisbonne, il n'existe aucune preuve d'une telle rencontre. L'inventaire mentionné du château de Wolgast, effectué « le dimanche Esto-mihi, 25 février 1560 » (am Sonntag Esto-mihi den 25. Februar 1560) et les jours suivants, énumère plusieurs splendides peintures des ducs de Poméranie réalisées à l'étranger, dont des portraits en buste de Philippe Ier et de son père Georges Ier de Poméranie (1493-1531) sur bois, peints à Leipzig (zu Leipzig gemacht), peut-être par Hans Krell, ainsi que le portrait de la mère de Philippe, Amélie du Palatinat (1490-1524), peint par Albrecht Dürer (Freulein Amalia, Pfalzgrevin am Rein, Herzog Georgens Gemhal, Dureri Contrafen und arbeit). Le dessin d'étude avec le portrait d'Amélie, probablement envoyé à Dürer à Nuremberg et renvoyé avec le portrait terminé, était inclus dans le « Livre des effigies » (Visierungsbuch). L'inventaire mentionne également des portraits de l'épouse de Philippe, Marie de Saxe, sœur de l'électeur Jean Frédéric Ier, peints par l'élève de Cranach Antoni Wida, qui travailla plus tard pour Sigismond Auguste (Frau Maria zu Sachsen, M. G. H. Herzog Philippen zu Stettin Pommern Gemhal, Anthonj de Wida arbeit), des portraits des sœurs de Philippe, Marguerite (1518-1569) et Géorgie (1531-1574), future comtesse Latalska, et un autre portrait de Philippe représenté à l'âge de 30 ans, c'est-à-dire vers 1545 (Herzog Philipß zu St. P. aetatis ao. 30), ainsi que des portraits d'autres membres de la famille. Parmi les 27 peintures sur toile, la plupart étaient des portraits, notamment le portrait de Philippe de Cranach mentionné ci-dessus et le portrait de l'empereur Ferdinand Ier (Ferdinandus, Romischer Kayser) ainsi que l'Histoire de Judith (Historia Judit). Parmi les autres tableaux, l'inventaire répertorie deux autres « Histoires de Judith », dont une « néerlandaise » (Historia Judit, niderlandisch), une image de Jésus (Effigies Jesu Christi), deux portraits de l'empereur Charles Quint (Caroli Imperatoris Brustbilde, Effigies Caroli quinti), des images de Martin Luther (Martini Lutheri), Johannes Bugenhagen (Johannis Bugenhagii) et Philippe Mélanchthon (Phil. Melandtonis), ainsi qu'une gravure représentant la ville de Venise (Die Stadt Venedig, gedruckt, d'après « Neue Beitrage zur Geschichte der Kunst und ihrer Denkmäler in Pommern » de Julius Mueller, p. 31-33, 42, 46-47). Il est cependant très significatif que l'un des premiers et probablement l'un des plus beaux portraits des ducs de Poméranie, réalisé hors des frontières du duché, ne soit pas réalisé en Allemagne, mais à Venise. Il existe des preuves que Boguslas X de Poméranie (1454-1523) a été peint à son retour de Terre Sainte (1497) par un peintre vénitien envoyé à sa rencontre. Hellmuth Bethe (1901-1959) a suggéré qu'il pourrait s'agir de l'œuvre de Gentile Bellini (vers 1429-1507) ou de Vittore Carpaccio (vers 1465-1525/1526) et que le tableau semble avoir disparu très tôt. En 1594, l'arrière-petit-fils de Boguslas, Philippe II, écrit à son savant ami Heinrich Rantzau ou Ranzow (Ranzovius, 1526-1598) : « Mais sachez qu'il n'existe pas de portraits des princes qui ont vécu avant Boguslas X, pas même de Boguslas lui-même, à notre connaissance » (Doch müßt Ihr wissen, daß es von den Fürsten, welche vor Bogislaw X. gelebt haben, keine Bildnisse gibt, selbst non Bogislaw selbst nicht, soviel uns bekannt ist, d'après « Die Bildnisse des pommerschen Herzogshauses », p. 5-7, 14-15). Il est également possible qu'ils n'aient pas été détruits mais simplement oubliés, si la majorité d'entre eux étaient des portraits déguisés (en saints chrétiens ou en personnages mythologiques) ou inclus dans des scènes religieuses comme le portrait du banquier vénitien Girolamo Priuli, âgé de 38 ans, assis à droite du Christ dans la scène de la Cène à Emmaüs de Carpaccio, peinte en 1513 (église San Salvador à Venise, inscription : M.D.XIII. / HIER. PRIOL.S / ANN.XXXVIII.). Selon le journal de Philipp Hainhofer (1578-1647), qui visita Szczecin en 1617, dans le couloir et près de l'oratoire de la duchesse de l'église du château de Szczecin se trouvaient des « panneaux peints par L. Kronacher », c'est-à-dire par Lucas Cranach (Tafeln von L. Kronacher gemalt). Il a également vu dans le château des portraits des papes Pie II (Enea Silvio Bartolomeo Piccolomini, 1405-1464), du pape Adrien VI (Adriaan Florensz Boeyens, 1459-1523), Léon X, Clément VII, Grégoire XIII, Sixte V, Clément VIII et des portraits des cardinaux Pietro Bembo (Petrus Bembus, peut-être de Cranach ou Titien), Ippolito de' Médicis (Hipolitus Medices) et Ludovicus Cardinalis, peut-être Louis II de Lorraine (1555-1588), cardinal de Guise. Dans les chambres de la duchesse Hedwige de Brunswick-Wolfenbüttel (1595-1650), il admira un beau grand miroir encadré en pietra dura, cadeau de la grande-duchesse de Toscane (ainen schdnen großen mit Stainen gefaßten Spiegel von der Großherzogin von Florenz) et un grand panneau représentant Caritas de Cranach (aine große Tafel charitatem bedeutend, von Luca Kronacher). Plusieurs portraits de la princesse saxonne Marie, épouse de Philippe Ier, furent réalisés par Cranach, dont certains furent certainement emportés avec elle en Poméranie. La princesse continua à utiliser les services de l'atelier de Wittenberg après son mariage. Le portrait de Marie par Cranach, apporté par Bugenhagen en Poméranie en 1535, est confirmé dans les documents. Marie et Philippe se marièrent l'année suivante, le 27 février 1536 à Torgau. Deux portraits similaires de Cranach de 1534, connus comme le Portrait d'une noble saxonne, sont désormais identifiés comme des portraits nuptiaux de Marie. La version du musée des Beaux-Arts de Lyon se trouvait à Paris avant 1892 (panneau, 53 x 37,5 cm, inv. B-494), tandis que le tableau du musée d'État de Hesse à Darmstadt fut acquis en 1805 par von Perglas (panneau, 51 x 36 cm, inv. GK 76). La princesse porte une couronne nuptiale tressée (bien qu'en 1534 elle n'était pas encore fiancée), son collier est orné d'un médaillon représentant son frère l'électeur Jean-Frédéric, et son bonnet est brodé des lettres E.W.R.H., peut-être une devise. Dans les comptes de Lucas Cranach l'Ancien en 1538, il est fait mention de dix portraits de princes saxons peints sur bois, que l'électeur envoya au duc Philippe en Poméranie, notamment pour décorer le château de Wolgast, que Philippe fit agrandir en 1537, l'année suivant son mariage. Cranach mentionne notamment les portraits des électeurs Frédéric le Sage et Jean le Constant, un portrait de la seconde épouse de Jean, Marguerite d'Anhalt (1494-1521), mère de Marie, des portraits de Jean-Ernest de Saxe-Cobourg (1521-1553) et ceux de deux des fils de Jean-Frédéric. Marie et sa sœur cadette Marguerite (1518-1535) sont représentées dans la Collection de portraits de princes saxons (Das Sächsische Stammbuch, p. 107, Bibliothèque d'État et universitaire de Saxe à Dresde, Mscr.Dresd.R.3) datant d'environ 1546, peinte par Cranach, tandis que quelques années plus tard, en 1554, Mélanchthon écrivit un traité sur l'éducation du fils de Marie, Jean-Frédéric de Poméranie (1542-1600) - Institutio Iohannis Friderici, inclyti Ducis Pomeraniae (Harmonia de ratione institutionis scholasticae, Wittenberg, 1565). Des gravures sur bois de Lucas Cranach le Jeune ou de son atelier avec des portraits de Philippe (Philipp. zu Stetin ⁄ Pomern ⁄ der Cassuben und Wenden Hertzogen ⁄ etc., p. 47) et de Marie (Maria Herzogin in Pommern etc., p. 49) ont été incluses dans les « Vraies représentations de plusieurs princes et seigneurs très honorables ... » (Warhaffte Bildnis etlicher Hochlöblicher Fürsten vnd Herren ...) de Johannes Agricola (1494-1566), publiés par Gabriel Schnellboltz à Wittenberg en 1562, avec le portrait du roi Sigismond II Auguste (p. 19) et d'autres monarques européens importants. Les gravures sur bois sont probablement basées sur des portraits originaux datant d'environ 1540. Les portraits du duc Philippe Ier et de son oncle Barnim IX (1501-1573), duc de Poméranie-Szczecin, peints par un disciple de Cranach signant ses œuvres du monogramme entrelacé IS, proviennent de la série de portraits princiers de la Chambre d'art de Gotha d'Ernest Ier le Pieux (1601-1675), duc de Saxe-Gotha et de Saxe-Altenbourg. En 1638, les peintures se trouvaient dans la salle basse du palais de Weimar, où se trouvait plus tard le portrait de Philippe de 1541, aujourd'hui à Szczecin. Elles ont probablement été créées vers 1560. Le portrait de Philippe par Maître IS se trouve aujourd'hui à Veste Coburg (panneau, 49,5 x 35,8, inv. M.023, inscrit en haut à droite : PHILIIPVS DVX / POMENIÆ) et le portrait de Barnim était dans une collection privée et a probablement été perdu pendant la Seconde Guerre mondiale (panneau, 47 x 34 cm, inscrit en haut à droite : BARNIMVS DVX / POMERANIÆ). La même effigie de Barnim a été reproduite dans une gravure réalisée par Georg Walch (1612-1656) à Nuremberg avant 1654. Très intéressant dans ce portrait de Barnim est l'absence de ressemblance apparente avec d'autres effigies connues du duc des périodes antérieures, à savoir qu'il a un nez beaucoup plus grand, ce qui pourrait être le résultat d'une copie et que le peintre n'a pas vu le modèle original. Barnim fit ses études à Wittenberg et gouverna d'abord la Poméranie avec son frère aîné Georges, mais après sa mort, il la divisa en une partie de Szczecin et une partie de Wolgast avec son neveu Philippe Ier. En 1534, les ducs convoquèrent en Poméranie le théologien de Wittenberg Johannes Bugenhagen (1485-1558) pour introduire la Réforme dans les deux parties du pays. Bugenhagen, également appelé Docteur Pomeranus, naquit à Wolin dans le duché de Poméranie. Entre 1517-1518, il écrivit l'histoire de la Poméranie en latin pour le duc Boguslas X et en mars 1521, il se rendit à Wittenberg. On connaît trois portraits peints de Bugenhagen par Cranach et ses disciples, ainsi que quelques portraits dans des scènes religieuses, comme l'image sur l'aile droite du retable de la Réforme dans l'église Sainte-Marie de Wittenberg, peinte entre 1547 et 1548. Le portrait mentionné dans l'inventaire de 1560 du château de Wolgast était probablement une copie d'un tableau de 1537 de Cranach l'Ancien ou Cranach le Jeune, aujourd'hui conservé à la Lutherhaus de Wittenberg (panneau, 36,5 x 24 cm, inscription : EFFIGIES IOH BVGENHAGII POMERANI · / LVCA CRONACHIO PICTORE · / · M · D · XXXVII ·). Un portrait similaire de Bugenhagen était également inclus dans la soi-disant tapisserie de Croy, qui est généralement considérée comme ayant été réalisée à Szczecin et achevée en 1554. La tapisserie était probablement mentionnée dans l'inventaire de la succession du duc Philippe Ier de 1560 sous le titre « Le baptême du Christ avec les seigneurs saxons et poméraniens, ainsi que les portraits de savants dans l'Écriture, réalisés à Szczecin » (Die Tauffe Christi mit den Sechsischen und Pommerischen Herrn, auch der gelarten Contrafej, zu Stettin gemacht). Bien qu'il faille noter qu'il n'y a pas de scène du baptême du Christ dans cette tapisserie, il est donc possible qu'une autre grande tapisserie avec des portraits de ducs dans une scène religieuse ait été créée. Cette grande tapisserie, aujourd'hui conservée au Musée d'État de Poméranie à Greifswald (laine, soie et fils métalliques, 446 x 690 cm) a été créée par Peter Heymans, le tisserand hollandais au service de l'oncle de Philippe à Szczecin (le monogramme PH est tissé dans le bord inférieur droit de la tapisserie). La tapisserie représente l'intérieur d'une église. Martin Luther prêche sur la chaire, montrant Jésus crucifié qui se trouve à droite des armoiries de l'électorat de Saxe, sous lesquelles se tiennent les électeurs de Saxe de la branche Ernestine avec leurs familles. L'électeur Jean-Frédéric se tient au centre du groupe et Philippe Mélanchthon derrière le groupe. À droite se trouvent les ducs de Poméranie sous leurs armoiries, avec Philippe Ier au centre du groupe. Les inscriptions latines sur l'image confirment l'identité des membres de la famille, parmi lesquels figurent le duc Georges Ier, le duc Barnim IX, Amélie du Palatinat, Anne de Brunswick-Lunebourg (1502-1568), épouse de Barnim, et Marie de Saxe, ainsi que les enfants de Philippe et Marie - Jean-Frédéric (1542-1600), Boguslas (1544-1606), Ernest-Louis (1545-1592), Amélie (1547-1580) et Barnim (1549-1603). Derrière le groupe se trouve Bugenhagen. Toutes les effigies sont clairement basées sur les peintures de Cranach, c'est pourquoi on pense que l'atelier de Wittenberg a produit le carton pour la tapisserie. La composition s'inspire également d'œuvres de Cranach, comparables par exemple à la gravure sur bois « Luther prêchant avec le pape dans les mâchoires de l'enfer » (La fausse et la bonne Église) d'environ 1546. Hans Krell à Leipzig et Gabriel Glodendon, nommé peintre de cour de Barnim IX le 10 février 1554 pour une période de cinq ans, sont également proposés comme auteurs du carton de cette tapisserie. Un an plus tôt, en 1553, le duc Philippe avait probablement commandé à l'atelier de Cranach une série d'effigies de membres de sa famille, comme en témoignent les dessins d'étude pour les portraits de ses fils Jean-Frédéric, Boguslas et Ernest-Louis, tirés du « Livre des effigies » portant cette date. Dans ce livre se trouvaient un autre dessin d'étude dans le style de Cranach pour un autre portrait d'Ernest-Louis, réalisé vers 1565, ainsi que deux études pour les portraits de la sœur de Barnim IX, Marguerite de Poméranie (1518-1569) et de son épouse Anne de Brunswick-Lunebourg, tous deux datant d'environ 1545, également issus de l'atelier de Cranach, portant les annotations avec les couleurs des tissus ainsi que des dessins détaillés de leurs bijoux. Une belle effigie de Barnim avec une longue barbe noire du « Livre des effigies » a été attribuée à Antoni Wida et considérée également comme ayant été réalisée vers 1545 (une commande pour le peintre de la cour Anton Wied a été émise par le duc Barnim le 29 septembre 1545). Dans le livre se trouvait également un dessin avec un portrait en pied de Barnim tenant une épée. Le magnifique portrait de Georges Ier, portant l'inscription latine du chapeau : Georgius I. DuX Pomeraniæ, a probablement été réalisé par Wida. Une autre étude similaire portant l'inscription GEORG · H · Z · S dans la partie supérieure a probablement été réalisée également par Wida, tout comme le portrait de Philippe Ier. Le portrait du fils de Philippe, Casimir (1557-1605), portant un chapeau, datant d'environ 1565, a probablement été peint également par Wida ou par un membre de l'atelier de Cranach envoyé en Poméranie. Le livre comprenait également une étude pour un portrait de Jean-Frédéric des années 1570, de sa sœur Anne (1554-1626) datant d'environ 1570, attribuée à Cranach le Jeune, et deux bons dessins de Boguslas X et d'Amélie du Palatinat (mentionnés ci-dessus), peut-être des études pour des portraits de Dürer. Le « Livre des effigies » a été perdu pendant la Seconde Guerre mondiale, mais malgré son assemblage à Szczecin, il y est retourné en 1913 grâce à une donation de Friedrich Lenz (1846-1930). Avant 1893, il se trouvait aux Pays-Bas. Enfin, les splendides portraits pendants de Jobst von Dewitz (1491-1542), conseiller ducal et chancelier de Poméranie-Wolgast, et de son épouse Ottilie von Arnim (morte en 1576) provenant du manoir de Dewitz à Cölpin dans le Mecklembourg-Poméranie occidentale sont très probablement des copies du XIXe siècle d'originaux perdus de Cranach. Selon les dates figurant sur les deux tableaux, les originaux ont été réalisés en 1540 (ANNO M. D. XL. / ANNO 1540), tandis que l'inventaire des propriétés de Dewitz de 1728 confirme que les portraits ont été « tous deux peints sur bois par Lucas Cranach » (beyde von Lucas Cranach auf Holtz gemahlen, d'après « Das historische Pommern: Personen, Orte, Ereignisse » de Roderich Schmidt, p. 380).
Dessin d'étude pour le portrait de Georges Ier de Poméranie (1493-1531), extrait du « Livre des effigies » par Antoni Wida (?), après 1527, Musée d'État de Poméranie à Szczecin, perdu pendant la Seconde Guerre mondiale. Reconstruction virtuelle, © Marcin Latka
Portrait de la princesse Marie de Saxe (1515-1583) par Lucas Cranach l'Ancien, 1534, Musée des Beaux-Arts de Lyon.
Portrait de la princesse Marie de Saxe (1515-1583) par Lucas Cranach l'Ancien, 1534, Musée d'État de Hesse à Darmstadt.
Portrait du théologien Johannes Bugenhagen (1485-1558), Doctor Pomeranus par Lucas Cranach l'Ancien ou Lucas Cranach le Jeune, 1537, Lutherhaus à Wittenberg.
Portrait de Jobst von Dewitz (1491-1542), conseiller ducal et chancelier de Poméranie-Wolgast par un peintre inconnu d'après Lucas Cranach l'Ancien, XIXe siècle d'après l'original de 1540, collection privée.
Portrait d'Ottilie von Arnim (morte en 1576), épouse de Jobst von Dewitz par un peintre inconnu d'après Lucas Cranach l'Ancien, XIXe siècle d'après l'original de 1540, collection privée.
Dessin d'étude pour le portrait de Philippe Ier (1515-1560), duc de Poméranie-Wolgast par Lucas Cranach le Jeune, vers 1541, Musée des Beaux-Arts de Reims.
Portrait de Philippe Ier (1515-1560), duc de Poméranie-Wolgast par Lucas Cranach le Jeune, 1541, Musée national de Szczecin.
Dessin d'étude pour le portrait de Barnim IX (1501-1573), duc de Poméranie-Szczecin, extrait du « Livre des effigies » par Antoni Wida (?), vers 1545, Musée d'État de Poméranie à Szczecin, perdu pendant la Seconde Guerre mondiale. Reconstruction virtuelle, © Marcin Latka
Portrait de Marie de Saxe (1515-1583), duchesse de Poméranie et de sa sœur Marguerite de Saxe (1518-1535), extrait de la Collection de portraits de princes saxons de Lucas Cranach l'Ancien, vers 1546, Bibliothèque d'État et universitaire de Saxe à Dresde.
Dessin d'étude pour le portrait de Jean-Frédéric de Poméranie (1542-1600), extrait du « Livre des effigies » de l'entourage de Lucas Cranach le Jeune, 1553, Musée d'État de Poméranie à Szczecin, perdu pendant la Seconde Guerre mondiale. Reconstruction virtuelle, © Marcin Latka
Dessin d'étude pour le portrait d'Ernest-Louis de Poméranie (1545-1592), extrait du « Livre des effigies » de l'entourage de Lucas Cranach le Jeune, 1553, Musée d'État de Poméranie à Szczecin, perdu pendant la Seconde Guerre mondiale. Reconstruction virtuelle, © Marcin Latka
Tapisserie de Croy de Peter Heymans d'après un carton de l'atelier de Cranach, 1554, Musée d'État de Poméranie à Greifswald.
Portrait de Barnim IX (1501-1573), duc de Poméranie-Szczecin par Maître IS, vers 1560, collection privée, perdue. Reconstruction virtuelle, © Marcin Latka
Portrait de Philippe Ier (1515-1560), duc de Poméranie-Wolgast par Maître IS, vers 1560, Veste Coburg.
Gravure sur bois représentant le portrait de Philippe Ier (1515-1560), duc de Poméranie-Wolgast, tirée des « Vraies représentations de plusieurs princes et seigneurs très honorables ... » de Lucas Cranach le Jeune ou atelier, 1562, Bibliothèque d'État et universitaire de Saxe à Dresde.
Gravure sur bois représentant le portrait de Marie de Saxe (1515-1583), duchesse de Poméranie, tirée des « Vraies représentations de plusieurs princes et seigneurs très honorables ... » de Lucas Cranach le Jeune ou atelier, 1562, Bibliothèque d'État et universitaire de Saxe à Dresde.
Dessin d'étude pour le portrait d'Ernest-Louis de Poméranie (1545-1592) tiré du « Livre des effigies » de l'entourage de Lucas Cranach le Jeune, vers 1565, Musée national de Poméranie à Szczecin, perdu pendant la Seconde Guerre mondiale. Reconstruction virtuelle, © Marcin Latka
Portraits déguisés d'Anna Alnpeck et des patriciens de Cracovie et de Wrocław
En 2022, le Musée national de Wrocław a récupéré un important tableau de l'atelier ou du cercle de Lucas Cranach l'Ancien. Il provient de la chapelle ducale de l'abbaye de Lubiąż et représente la Déploration du Christ (panneau, 156 x 131,5 cm). En 1880, l'œuvre a été transférée au Musée des Beaux-Arts de Silésie à Wrocław et en novembre 1945, elle a été évacuée vers le palais de Kamieniec Ząbkowicki près de Wrocław pour y être mise en sécurité, d'où elle a disparu. En 1970, elle a été achetée par le Nationalmuseum de Stockholm à la succession de Sigfrid Häggberg.
Les membres de la famille du marchand saxon Kunz von Günterode (1476-1536) et de son épouse Anna Alnpeck (1494-1541), comme en témoignent les armoiries dans la partie inférieure du tableau, ont été immortalisés dans la scène de deuil du Christ à côté des personnages bibliques : Marie - la mère de Jésus et Jean l'Évangéliste. Kunz était un marchand de vin et de tissus et un conseiller municipal de Leipzig. Il a servi pendant plusieurs années dans des campagnes militaires et a accompagné le duc Georges de Saxe, époux de Barbara Jagellon, en Frise. En 1510, à Freiberg, Kunz épousa Anna, issue d'une famille noble et patricienne locale d'origine hongroise. Il fut élu au conseil municipal de Leipzig en 1527. Il eut 9 fils et 4 filles et mourut à Leipzig le 29 juin 1536 (d'après « Melanchthons Briefwechsel ... » de Heinz Scheible, p. 204). Selon Piotr Oszczanowski, « la singularité de cette œuvre réside dans le fait qu'à proximité immédiate du Christ défunt apparaissent des personnages laïcs, des personnes concrètes connues par leur nom, dont la réaction à l'événement semble être assez ambiguë. Aucun des héros laïcs du tableau ne dirige son regard vers le corps du Christ mort, qui est représenté de manière presque véridique, et certains d'entre eux - et de manière vraiment provocatrice - établissent un contact visuel avec le spectateur » (d'après « Obraz z pracowni Lucasa Cranacha st. w Muzeum Narodowym we Wrocławiu »). Il convient également de noter que l'effigie de la Vierge Marie est comme un reflet miroir d'Anna Alnpeck tenant le corps du Christ. La mère terrestre Anna Alnpeck pleure donc son mari (ou l'un de ses fils représenté comme Jésus) comme la Vierge pleure son fils. Le tableau a été réalisé dans la seconde moitié des années 1530, probablement en 1536 et avant 1541, et il pourrait s'agir d'une épitaphe, peut-être offerte par une veuve à son mari, par des enfants à leurs parents ou par une mère à son fils. Il n'est pas signé et on pense qu'il a été réalisé par l'atelier ou un disciple de Cranach. S'il a été réalisé à Wittenberg, ce qui est très probable, les dessins d'un élève de Cranach réalisés à Leipzig et représentant les membres de la famille ont été emportés par cet élève à Wittenberg. On ne sait pas comment ce tableau luthérien s'est retrouvé dans une église catholique de Lubiąż. Similaires au double portrait déguisé d'Anna Alnpeck dans une scène religieuse, de telles représentations se retrouvent dans l'art silésien du XVIe siècle, qui s'inspire de la Saxe et de la Pologne-Lituanie. Avant la Seconde Guerre mondiale, le Musée des Beaux-Arts de Silésie à Wrocław abritait une autre scène religieuse intéressante : la Cène de 1537 (panneau, 79 x 124 cm, Catalogue des pertes de guerre, numéro 10465). Ce tableau était considéré comme l'œuvre d'un peintre local, peut-être de l'école de Cranach. La peinture à l'huile sur panneau était conservée dans la Chambre des aînés du conseil de l'Hôtel de ville de Wrocław et représentait les patriciens de Wrocław participant à la Cène. Les vrais noms étaient inscrits au-dessus des personnages, mais seuls quelques-uns d'entre eux ont survécu, notamment ceux de Hans Metzler, neveu de l'évêque Thurzo, Johannes Bockwitz, Nicolaus Jenkwitz et Albrecht Sauermann représentés en apôtres. À côté de Jésus est assis Heinrich Rybisch (1485-1544), également en apôtre, et à gauche, près de la fenêtre, on peut voir Sebald Huber, qui a financé le tableau. L'homme debout derrière la fenêtre est identifié comme l'effigie du peintre. Johann Hess (ou Heß, 1490-1547), théologien luthérien et pasteur de l'église de Marie-Madeleine à Wrocław, est considéré comme représenté sous les traits de Jésus, et le tableau symbolise la conversion de la plupart des habitants au luthéranisme. Selon une autre interprétation, Jacob Boner (mort en 1560), un parent de la famille Boner de Cracovie, est représenté sous les traits du Christ, et le tableau illustre également les liens étroits entre les citoyens de Wrocław et de Cracovie. Huber, qui a fondé le tableau, était étudiant à l'Académie de Cracovie, et le patricien de Wrocław Mikołaj Szebicki (Nikolaus Schebitz, Schewitz ou Schebitzki) est représenté en costume polonais (d'après « The Renaissance in Poland » de Stanisław Lorentz, p. 56). « Tous ces « apôtres » bénéficièrent de la faveur des Jagellon : le roi Vladislas et son gouverneur de Silésie, le prince Sigismond. Mais ils finirent par s'opposer à l'union de la Silésie avec la République et aidèrent les Habsbourg dans la course à l'héritage de Louis Jagellon » (d'après « Proces narodowościowej transformacji Dolnoślązaków ... » de Wiesław Bokajło, p. 279). Dans de nombreux autres tableaux luthériens de Cranach et de son fils du troisième quart du XVIe siècle, Martin Luther (1483-1546) et Philippe Mélanchthon (1497-1560) sont debout ou assis à côté du Christ. Dans le retable de Weimar, réalisé par Lucas Cranach l'Ancien et son fils Lucas Cranach le Jeune entre 1552 et 1555 pour l'église Saint-Pierre-et-Paul de Weimar, le peintre le plus âgé se tient sous le Christ crucifié, entre Jean-Baptiste et Luther, et est représenté lavé par le sang de Jésus. Dans ce contexte, un autre grand tableau important de Cranach et de son atelier des années 1530, conservé uniquement en fragments, peut également être considéré comme contenant des cryptoportraits. Il s'agit d'Adam et Ève, dont un fragment représentant Ève se trouve au Musée national de Wrocław (panneau transféré sur toile, 52 x 44,4 cm, inv. MNWr VIII-2285) et un autre fragment représentant Adam se trouve dans une collection privée (panneau, 37,2 x 24 cm, Sotheby's à Londres, 12 décembre 2002, lot 45). Les deux fragments se trouvaient à l'origine dans la collection de la famille noble Kalau von Hofe à Świerzno (Schwierse) près d'Oleśnica en Silésie, et ont été déposés au Musée des Beaux-Arts de Silésie à Wrocław en 1933. La composition du tableau original ressemblait sans aucun doute à un autre Adam et Ève de ce musée, aujourd'hui dans une collection privée, datant de 1543 et peint par Wolfgang Krodel l'Ancien (huile sur panneau, 118 x 79 cm, Dorotheum à Vienne, 24 avril 2007, lot 463, signé et daté : WK 1543, légué en 1892 par le major-général z. D. Weber, Catalogue des pertes de guerre, numéro 63409). Probablement au début du XVIIe siècle, les personnages ont été découpés dans un tableau de grand format, leurs visages ont été légèrement repeints et leurs corps nus recouverts de vêtements, transformant le couple en portraits des citadins (d'après « Bo miłość, mój miły, to ja ... » de Sławomir Ortyl). On ne sait pas pourquoi cette décision a été prise, mais si l'on considère les effigies des premiers parents bibliques comme des cryptoportraits, les effigies nues étaient probablement controversées pour quelqu'un. De tels portraits déguisés étaient particulièrement populaires chez les protestants, comme en témoigne Adam et Ève avec les portraits déguisés d'Ernest de Brunswick-Lunebourg (1497-1546) et de sa femme Sophie de Mecklembourg-Schwerin (1508-1541) par Lucas Cranach l'Ancien, réalisés entre 1528-1530 (KMSKA - Musée royal des Beaux-Arts d'Anvers, inv. 42), identifiés par moi. Vers 1570, Joachim Ernest (1536-1586), prince d'Anhalt-Zerbst et sa femme Agnès de Barby-Mühlingen (1540-1569) sont représentés en Adam et Ève dans des peintures de la grande salle du château de Dessau (Gotisches Haus Wörlitz, inv. I-58 et I-59). Le visage d'Ève de Wrocław rappelle celui de la Madone de la Madone sous le sapin de Cranach (Musée archidiocésain de Wrocław), qui, selon mon identification, est un portrait déguisé de Magdalena Thurzo. En 1551, le calviniste Konrad Krupka Przecławski, époux de la sœur de Magdalena, Marguerite (ou son fils), fut traduit devant le tribunal ecclésiastique de Cracovie, accusé d'hérésie et même condamné par contumace (Conradus Krupek ab E[piscopo] Crac[oviensi] Sebridowskij nomini pro herrettus conversa damnatus A 1551, d'après « Calendarium Prudens Simplicitas » d'Iwona Pietrzkiewicz, p. 467). Krupka participa aux affaires financières de son beau-père Jean Thurzo et lui et son fils détinrent des parts dans la société d'Anton Fugger à Cracovie jusqu'en 1560 (d'après « Jakob Fugger » de Götz von Pölnitz, p. 502).
Lamentation du Christ avec des membres de la famille du marchand Kunz von Günterode (1476-1536) et de sa femme Anna Alnpeck (1494-1541) par l'atelier ou le cercle de Lucas Cranach l'Ancien, vers 1536-1541, Musée national de Wrocław.
La Cène, portrait de groupe des patriciens de Wrocław, par un peintre de Wrocław, 1537, Musée des Beaux-Arts de Silésie à Wrocław, perdu.
Adam, fragment d'un tableau plus grand, probablement portrait de Konrad Krupka Przecławski, par Lucas Cranach l'Ancien ou atelier, années 1530, collection privée.
Ève, fragment d'un tableau plus grand, probablement portrait de Marguerite Thurzo, par Lucas Cranach l'Ancien ou atelier, années 1530, Musée national de Wrocław.
Adam et Ève de Wrocław par Wolfgang Krodel l'Ancien, 1543, collection privée.
Portraits de Françoise de Luxembourg-Ligny par Hans Besser et atelier de Lucas Cranach le Jeune
Les rues, les maisons, les temples, les bains publics et autres édifices de la Grèce antique et de Rome étaient pleins de statues, de fresques et de mosaïques montrant des dieux et des dirigeants nus. Sûrement dans de telles températures dans le sud de l'Europe, où Bona Sforza a grandi, il était plus facile de se déshabiller que de s'habiller. Plus au nord la situation était tout à fait opposée, pour se protéger du froid, les gens s'habillaient et pouvaient rarement voir de la nudité, donc devenaient plus prudes à cet égard. La Renaissance a redécouvert les statues et peintures nues de l'antique et aujourd'hui certaines émissions télévisées ont réinventé le concept qu'il est bon de voir un partenaire potentiel nu avant tout engagement, du moins pour certaines personnes.
En 1549, l'empereur Charles Quint (1500-1558) a commandé une statue en bronze de lui-même en tant que dieu ancien nu et l'armure amovible, afin que la statue puisse être habillée. La sculpture, réalisée à Milan par les sculpteurs italiens Leone et Pompeo Leoni, fut présentée à l'empereur à Bruxelles en 1556 puis transportée à Madrid, aujourd'hui au Musée du Prado (numéro d'inventaire E000273). En 1535, Françoise de Luxembourg-Ligny, fille du comte Charles Ier de Ligny et de Charlotte d'Estouteville, épouse Bernard III, margrave de Bade-Bade. Françoise était comtesse de Brienne et de Ligny et héritière du comté de Roussy. Elle avait environ 15 ans et le marié 61 ans au moment de leur mariage. Près d'un an après le mariage, elle donna à son mari un fils Philibert, né le 22 janvier 1536. Bernard mourut le 29 juin 1536 et leur deuxième fils Christophe naquit le 26 février 1537, à titre posthume. Les années suivantes furent remplies de disputes sur la garde des enfants, revendiquée par leur oncle Ernest, margrave de Bade-Durlach qui favorisait le luthéranisme et le duc Guillaume IV de Bavière, époux de la nièce de Bernard, Marie-Jacobée de Bade-Sponheim, un catholique fervent. En accord avec Françoise, son fils aîné Philibert passe une partie de sa jeunesse à la cour du duc Guillaume IV à Munich. Françoise se remarie le 19 avril 1543 avec le comte Adolf IV de Nassau-Idstein (1518-1556), plus de son âge, et elle lui donne trois enfants. En 1549, Hans Besser, peintre de la cour de Frédéric II, électeur palatin réalise une série de portraits des fils aînés de Françoise, Philibert et Christophe (à Munich, des collections des ducs de Bavière et à Vienne, de la collection des Habsbourg). En 1531, Frédéric de Palatin était candidat à la main de la princesse Hedwige Jagellon, il a dû recevoir son portrait, très probablement sous le « déguisement » populaire de Vénus et Cupidon. Un tableau montrant Vénus et Cupidon dans l'Alte Pinakothek de Munich d'environ 1540 est peint sous la forme typique des Vénus de Cranach (panneau, 196 x 89 cm, inv. 5465). Son style, cependant, n'est pas typique de Cranach et de son atelier, c'est pourquoi ce tableau est également attribué à un copiste de Cranach du début du XVIIe siècle, Heinrich Bollandt. Le tableau a été acquis en 1812 au palais de Bayreuth. En 1541, un petit-fils de Sophie Jagellon, sœur du roi Sigismond Ier de Pologne, Albert Alcibiade, margrave de Brandebourg-Kulmbach reçoit Bayreuth. Il assista l'empereur Charles Quint dans sa guerre contre la France en 1543 mais abandonna bientôt Charles et rejoignit la ligue qui proposait de renverser l'empereur par une alliance avec le roi Henri II de France. Il passa les dernières années de sa vie à Pforzheim avec la famille de sa sœur Kunigunde, mariée à Charles II de Bade, neveu de Bernard III. Albert Alcibiade n'était pas marié, donc le mariage avec une margravine veuve de Bade et une femme noble française serait parfait pour lui. Une répétition légèrement différente et un peu plus petite du motif de Munich a été vendue à Bruxelles en 2000 (Palais des Beaux-Arts, 7 novembre 2000, lot 265), bien que représentant une femme différente. Un tableau similaire, provenant du palais de Rastatt, a été découpé en morceaux avant 1772 et des fragments conservés se trouvent maintenant à la Staatliche Kunsthalle de Karlsruhe - Vénus avec une tiare (panneau, 46,7 x 42,3 cm, inv. 124) et Cupidon avec une flèche (inv. 811). Le palais de Rastatt a été construit entre 1700 et 1707 par un architecte italien pour le margrave Louis-Guillaume de Bade-Bade, descendant direct de Françoise de Luxembourg-Ligny. La même femme que dans les peintures mentionnées ci-dessus a également été représentée dans une série de portraits par l'atelier de Lucas Cranach le Jeune. Probablement tous la représentaient en Salomé et certains d'entre eux ont été coupés plus tard, afin que la partie supérieure puisse être vendue comme un portrait et la partie inférieure comme saint Jean-Baptiste. En se basant sur la tenue de la femme, ils devraient être datés de la fin des années 1530 ou du début des années 1540, mais l'un de ces portraits de l'ancienne collection du palais Friedenstein à Gotha (panneau, 84 x 57 cm, inv. SG 303), où se trouve une effigie d'Hedwige Jagellon en Vierge (inv. SG 678), est daté de 1549. Une copie de ce dernier tableau de la collection des ducs de Brunswick se trouve au musée Herzog Anton Ulrich. Le portrait maintenant à la Staatsgalerie à Aschaffenburg (panneau, 63,1 x 48,8 cm, inv. 13259), provient de la collection d'art d'Hermann Goering et d'autre, vendu en 2012, faisait partie de la collection du prince Serge Koudacheff à Saint-Pétersbourg avant 1902 (panneau, 62 x 52,5 cm, Dorotheum à Vienne, 17 octobre 2012, lot 528). Un autre, signé du monogramme HVK, se trouvait temporairement dans la collection Veste Coburg avant 1930 (panneau, 23 x 19,2 cm, Koller à Zurich, 27 septembre 2019, lot 3017). Il existe également une version en Judith avec la tête d'Holopherne au Palais de Sanssouci à Potsdam (inv. 71) et plusieurs tableaux où la femme était représentée dans la scène satirique du couple mal assorti, dont certains sont attribués à un autre copiste du XVIIe siècle de Cranach, Christian Richter (1587-1667), ou Cyriakus Roder (mort en 1598), comme le tableau d'une collection privée en Suisse (panneau, 46 x 34,3 cm). Une version d'une collection privée suédoise (panneau, 42 x 32,3 cm, Christie's à New York, 14 avril 2016, lot 202) a été attribuée au monogrammiste CR (1472-1553). Les costumes sont typiques de la fin des années 1530. Des exemplaires de cette effigie de qualité variable réapparaissent de temps à autre sur le marché de l'art, comme le tableau vendu aux enchères à Paris en 2006 (Boisgirard-Antonini, 13 août 2006, lot 1) ou le magnifique tableau sur fond d'or, vendu à Paris en 2024 (huile sur panneau, 47,5 x 54 cm, Artcurial à Paris, 26 novembre 2024, lot 8), signé de la marque de l'artiste et daté « 1549 ». Comme le tableau similaire de Friedenstein, également daté de 1549, il provient également des anciennes collections ducales - étant arrivé à Gotha dans le cadre de la dot de la duchesse Elisabeth Sophie de Saxe-Altenbourg (1619-1680). Il a été vendu avec une attribution à Lucas Cranach l'Ancien ou à son atelier. Les traits du visage de toutes ces effigies ressemblent beaucoup aux portraits des fils de Françoise de Luxembourg-Ligny par Hans Besser et stylistiquement certaines de ces œuvres sont très proches des portraits de ce peintre de cour. La répartition géographique de nombreuses peintures, dans les environs de Baden-Baden, confirme également cette identification.
Portrait de Françoise de Luxembourg-Ligny (décédée en 1566), margravine de Bade-Bade en Vénus et Cupidon par Hans Besser ou atelier de Lucas Cranach le Jeune, vers 1540, Alte Pinakothek à Munich.
Portrait de Françoise de Luxembourg-Ligny (décédée en 1566), margravine de Bade-Bade en Vénus avec un diadème par Hans Besser ou atelier de Lucas Cranach le Jeune, vers 1540, Staatliche Kunsthalle Karlsruhe.
Portrait de Françoise de Luxembourg-Ligny (décédée en 1566), margravine de Bade-Bade par l'atelier de Lucas Cranach le Jeune, 1535-1549, Staatsgalerie à Aschaffenburg.
Portrait de Françoise de Luxembourg-Ligny (décédée en 1566), margravine de Bade-Bade par l'atelier de Lucas Cranach le Jeune, 1535-1549, Collection particulière.
Portrait de Françoise de Luxembourg-Ligny (décédée en 1566), margravine de Bade-Bade par le monogramiste HVK, 1535-1549, Collection particulière.
Portrait de Françoise de Luxembourg-Ligny (décédée en 1566), margravine de Bade-Bade par Lucas Cranach l'Ancien ou son atelier, 1549, Collection particulière.
Portrait de Françoise de Luxembourg-Ligny (décédée en 1566), margravine de Bade-Bade en Salomé par l'atelier de Lucas Cranach le Jeune, 1549, Palais Friedenstein à Gotha.
Couple mal assorti, caricature de Françoise de Luxembourg-Ligny (décédée en 1566), margravine de Bade-Bade et son mari par l'atelier de Lucas Cranach le Jeune ou Cyriakus Roder, 1535-1566 ou fin du XVIe siècle, Collection particulière.
Couple mal assorti, caricature de Françoise de Luxembourg-Ligny (décédée en 1566), margravine de Bade-Bade et son mari par le monogrammiste CR, avant 1553, Collection particulière.
Portraits de Barnim IX de Poméranie-Szczecin, sa femme et ses trois filles par Lucas Cranach l'Ancien, son fils et son atelier
« Parmi ses défauts figurait son penchant pour la luxure. Son épouse, Anna de Brunswick-Lunebourg, avec laquelle il eut deux fils, Alexandre [également considéré comme une fille Alexandra, du nom du roi polonais Alexandre Jagellon (1461-1506)] et Boguslas, mort en bas âge, et cinq filles, était décédée avant lui le 7 novembre 1568. Deux de ses filles restèrent célibataires et moururent avant lui : Élisabeth en 1554 et Sybille le 21 septembre 1564. Les trois autres furent généreusement dotées lors de leurs mariages », décrit Barnim IX/XI (1501-1573), duc de Poméranie-Szczecin, historien et maire de Szczecin Johann Jacob Sell (1754-1816) dans son livre sur l'histoire de la Poméranie, publié en 1820 (Unter seine Fehler rechnet man seinen Hang zur Wollust. Seine Gemahlin Anna von Braunschweig Lüneburg, mit der er 2 Sohne Alexander und Bogislav, die aber in der Kindheit starben und 5 Tochter geszeuget hatte, war vor ihm am 7. Nov. 1568 gestorben; 2 seiner Tochter blieben unverheirathet und starben vor ihm, Elisabeth 1554 und Sybille am 21. Sept. 1564. Die andern 3 wurden bei ihrer Verheirathung ansehnlich ausgestattet, d'après « Geschichte des Herzogthums Pommern von den ältesten Zeiten ... », tome 3, p. 66).
En 1543, trois filles de Barnim, Marie (1527-1554), Dorothée (1528-1558) et Anna (1531-1592), atteignirent l'âge légal du mariage (12). Cette même année, le 6 mai 1543, le jeune cousin de Barnim, le roi Sigismond Auguste de Pologne épousa Elisabeth d'Autriche (1526-1545). Trois des sœurs de Sigismond Auguste, Sophie, Anna et Catherine, étaient également célibataires et l'oncle de Barnim, Sigismond I, espérait trouver un mari convenable pour chacune d'elles. En raison de la parenté des familles régnantes de Pologne-Lituanie et de Poméranie, elles ont sans doute échangé quelques effigies. Près d'un an plus tard, le 16 juillet 1544, Marie, la fille aînée de Barnim, épousa le comte Otto IV de Holstein-Schaumburg-Pineberg (1517-1576). Dorothée dut attendre dix ans de plus pour épouser le comte Jean Ier de Mansfeld-Hinterort (décédé en 1567) le 8 juillet 1554 et Anna se maria trois fois, d'abord avec le prince Charles Ier d'Anhalt-Zerbst (1534-1561) en 1557, puis au burgrave Henri VI de Plauen (1536-1572) en 1566 puis au comte Jobst II de Barby-Mühlingen (1544-1609) en 1576. Un petit tableau d'Hercule à la cour d'Omphale de Lucas Cranach l'Ancien et de l'atelier du Musée national de Varsovie est très similaire au tableau de la collection Mielżyński de Poznań, montrant la famille de Sigismond Ier en 1537. Les dimensions (48,7 x 74,8 cm / 48 x 73 cm), la composition, même les poses et les costumes sont très similaires. Ce tableau a très probablement été transféré pendant la Seconde Guerre mondiale au dépôt d'art d'Allemagne nazie à Kamenz (Kamieniec Ząbkowicki), peut-être du musée des beaux-arts de Silésie à Wrocław (panneau, 48,7 x 75,3 cm, inv. M.Ob.2536 MNW). Vers 1543, le souverain de la ville voisine de Legnica était Frédéric II, comme Barnim, un fervent partisan de la Réforme et son parent éloigné. Les deux ducs avaient des liens étroits avec la Pologne-Lituanie voisine. Le fils cadet de Frédéric, Georges, futur Georges II de Legnica-Brzeg, n'était pas marié à cette époque. Il ne peut être exclu que la famille régnante de Legnica ait reçu ce portrait à la mode de la famille de Barnim sous les traits de héros mythologiques. L'œuvre correspond parfaitement à la maison régnante de Poméranie-Szczecin vers 1543 et les traits du visage d'Hercule et d'Omphale sont très similaires à d'autres portraits de Barnim IX et de sa femme. La peinture décrite ci-dessus est une version réduite d'une composition plus grande qui se trouvait dans la collection Stemmler à Cologne, maintenant dans une collection privée (panneau, 83 x 120,8 cm). Il est très similaire au portrait de la famille de Barnim en Hercule à la cour d'Omphale de 1532 à Berlin (perdu). L'effigie de Marie de Poméranie-Szczecin avec un canard au-dessus d'elle, symbole de fidélité conjugale et d'intelligence, est presque identique à l'effigie de sa mère Anna de Brunswick-Lunebourg du tableau antérieur. L'ensemble de la composition est basé sur un dessin préparatoire conservé au Musée des estampes et des dessins de Berlin (Kupferstichkabinett, papier, 14,6 x 20,9 cm, inv. 13712), signé d'un monogramme L.G., très probablement réalisé par l'élève de Cranach envoyé à Szczecin ou un peintre de la cour de Barnim. Toutes les filles de Barnim, y compris la plus jeune Sibylla, née en 1541, ont été représentées dans un grand tableau créé par Cornelius Krommeny en 1598 et montrant l'arbre généalogique de la Maison de Poméranie, aujourd'hui au Musée national de Szczecin. Un portrait d'une jeune femme en Salomé dans la couronne nuptiale sur sa tête au Musée des Beaux-Arts de Budapest (panneau, 73,5 x 54 cm, inv. 145), est presque identique à l'effigie de Marie de Poméranie-Szczecin dans les deux peintures mentionnées d'Hercule à la cour d'Omphale. Ce portrait a été enregistré en 1770 dans le château de Bratislava, siège officiel des rois de Hongrie, puis transféré dans les collections impériales de Vienne. La même femme était représentée en Lucrèce dans la peinture de l'atelier de Lucas Cranach l'Ancien, qui était avant 1929 dans une collection privée à Amsterdam, aujourd'hui dans l'Alte Pinakothek à Munich (panneau, 74 x 53,5 cm, inv. 13257) et en Vénus avec Cupidon comme le voleur de miel de la collection des Princes du Liechtenstein à Vienne, aujourd'hui au Musée Kröller-Müller à Otterlo (panneau, 174 x 66,5 cm, inv. KM 110.841). Un portrait d'une dame en Judith en robe verte à la Galerie nationale d'Irlande à Dublin, acheté en 1879 de la collection de M. Cox à Londres (panneau, 45,9 x 34,2 cm, inv. NGI.186), correspond parfaitement à l'effigie de Dorothée de Poméranie-Szczecin dans les peintures décrites. Sa pose et sa tenue sont très similaires à celles de la mère de Dorothée dans les deux peintures d'Hercule à la cour d'Omphale. On peut identifier la même femme dans un beau tableau de Lucrèce de Cranach, attribué à Cranach l'Ancien ou à son fils, provenant d'une collection privée (panneau, 76,2 x 55,4 cm, Christie's à Londres, 7 juillet 2009, lot 11). Cette œuvre est considérée comme ayant été réalisée vers 1540-1545 et se trouvait dans une collection privée à Berlin avant 1901. Plusieurs peintures similaires dérivées de cette Lucrèce ont été créées par l'atelier de Cranach, notamment le tableau du Berkeley Art Museum and Pacific Film Archive (panneau, 45 x 33 cm, inv. 1983.25.6), qui se trouvait dans diverses collections viennoises avant 1930 (Stummer de Tavarnok, baron de Tschirschky et Castiglioni). La version conservée à l'Universalmuseum Joanneum (palais d'Eggenberg) à Graz a été acquise en 1941 auprès de la collection Attems à Gorizia (panneau, 71,5 x 47,4 cm, inv. 106). Fragment conservé de Lucrèce provenant d'une collection privée franco-belge, attribué à l'atelier de Lucas Cranach l'Ancien, était une autre version du même portrait déguisé de la même femme (panneau, 36,6 x 20,4 cm, Koller Auctions à Zurich, 20 septembre 2024, lot 3016). Il existe également un tableau similaire prêté de manière permanente au château de Gottorf depuis 1996/97, provenant probablement d'une collection privée française, mais la pose est légèrement différente et le visage semble également différent. Un autre tableau similaire se trouve au musée Soumaya de Mexico (panneau, 75,4 x 56,2, inv. 7031). Il est également considéré comme une œuvre de Cranach l'Ancien ou le Jeune et se trouvait à Florence au XVIIIe siècle. Le visage d'une autre Lucrèce, aujourd'hui au Kunstmuseum de Bâle, est similaire à celui du musée Soumaya, tandis que la femme ressemble beaucoup à la figure féminine centrale du groupe représentant Hercule à la cour d'Omphale de la collection Stemmler. Le tableau de Bâle se trouvait dans une collection privée à Paris avant 1928 (panneau, 79 x 64 cm, inv. 1628). Salomé avec la tête de saint Jean-Baptiste dans la couronne nuptiale, qui était autrefois dans la collection du roi de Wurtemberg, maintenant au Bob Jones University Museum and Gallery à Greenville (panneau, 56,8 x 34,3 cm) est identique à l'effigie de la plus jeune fille de Barnim dans la peinture de Varsovie. Le peintre a évidemment utilisé le même dessin modèle pour créer les deux miniatures. Une autre Salomé très similaire, attribuée à Cranach le Jeune, provient de la collection du château d'Ambras construit par l'archiduc Ferdinand II d'Autriche (1529-1595), deuxième fils d'Anna Jagellon et de l'empereur Ferdinand Ier. Elle fut offerte en 1930 par Gustaf Werner au Musée d'art de Göteborg (panneau, 75 x 49 cm, inv. GKM 0934). Le peintre a ajouté un paysage fantastique en arrière-plan. Enfin, il y a une peinture de Vénus et Cupidon en tant que voleur de miel de la même période au Germanisches Nationalmuseum de Nuremberg, également attribuée à Cranach le Jeune (panneau, 175,4 x 66,3 cm, inv. Gm1097). Le visage de Vénus est identique au portrait d'Anna de Poméranie-Szczecin dans le tableau de la collection Stemmler. Le tableau provient de la résidence des évêques catholiques de Freising, où il était connu sous le nom de sainte Julienne. Il ne peut être exclu qu'il ait appartenu à l'origine à la collection royale polono-lituanienne et qu'il ait été transféré à Neuburg an der Donau avec la collection de la princesse Anna Catherine Constance Vasa ou apporté en Bavière par une autre éminente dame polono-lituanienne. Au Musée national de Varsovie, il y a aussi une peinture montrant un sujet moralisateur du couple mal assorti par l'atelier de Lucas Cranach l'Ancien ou son fils du troisième quart du XVIe siècle (panneau, 75,5 x 48,5 cm, inv. M.Ob.40 MNW). Le tableau a été acquis par le Musée en 1865 auprès de la collection d'Henryk Bahré. La femme a glissé sa main dans la bourse du vieil homme, ce qui ne laisse aucun doute sur le fondement de cette relation. Son visage et son costume sont basés sur le même ensemble de dessins modèles qui ont été utilisés pour créer des portraits d'Anna de Poméranie-Szczecin. Le tableau est de grande qualité, donc le mécène qui l'a commandé était riche. Alors que Géorgie de Poméranie (1531-1573), fille de Georges Ier, frère de Barnim, épousa en 1563 un noble polonais et un luthérien, Stanisław Latalski (1535-1598), staroste d'Inowrocław et de Człuchów, sa cousine Anna opta pour le titre de princes allemands héréditaires dans ses mariages ultérieurs. Il est donc possible que ce tableau ait été commandé par la cour royale ou un magnat de Pologne-Lituanie. Ce tableau n'est pas daté et, d'après une analyse stylistique, a été daté d'environ 1550. En 2005, une copie d'atelier de cette œuvre a été vendue aux enchères à Londres (panneau, 73 x 49,5 cm, Christie's, vente 5828, 7 décembre 2005, lot 124), qui porte la signature et la date « LC 1536 » avec la marque de serpent de l'artiste (en bas à gauche sur la robe de l'homme). Cependant, ni la date ni le serpent (incorrect) ne semblent authentiques. Tous les maris d'Anna étaient plus jeunes qu'elle, et Henri VI de Plauen est né en 1536.
Dessin préparatoire pour Hercule à la cour d'Omphale avec des portraits de Barnim IX de Poméranie-Szczecin, sa femme et ses trois filles par le monogrammiste L.G. ou atelier de Lucas Cranach l'Ancien, vers 1543, Musée des Estampes et Dessins de Berlin.
Hercule à la cour d'Omphale avec des portraits de Barnim IX de Poméranie-Szczecin, sa femme et ses trois filles par Lucas Cranach l'Ancien et atelier, vers 1543, collection privée.
Hercule à la cour d'Omphale avec des portraits de Barnim IX de Poméranie-Szczecin, sa femme et ses trois filles par Lucas Cranach l'Ancien et atelier, vers 1543, Musée national de Varsovie.
Portrait de Marie de Poméranie-Szczecin (1527-1554) en Salomé avec la tête de saint Jean Baptiste par Lucas Cranach l'Ancien, vers 1539-1543, Musée des Beaux-Arts de Budapest.
Portrait de Marie de Poméranie-Szczecin (1527-1554) en Lucrèce par l'atelier de Lucas Cranach l'Ancien, vers 1543, Alte Pinakothek à Munich.
Portrait de Marie de Poméranie-Szczecin (1527-1554) en Vénus avec Cupidon en tant que voleur de miel par Lucas Cranach l'Ancien ou son fils, vers 1543, Musée Kröller-Müller à Otterlo.
Portrait de Dorothée de Poméranie-Szczecin (1528-1558) en Judith avec la tête d'Holopherne par l'atelier de Lucas Cranach l'Ancien, vers 1543-1550, Galerie nationale d'Irlande.
Portrait de Dorothée de Poméranie-Szczecin (1528-1558) en Lucrèce par Lucas Cranach l'Ancien ou Lucas Cranach le Jeune, vers 1545, collection privée.
Portrait de Dorothée de Poméranie-Szczecin (1528-1558) en Lucrèce par l'atelier de Lucas Cranach l'Ancien, vers 1543-1550, Berkeley Art Museum et Pacific Film Archive.
Portrait de Dorothée de Poméranie-Szczecin (1528-1558) en Lucrèce par Lucas Cranach le Jeune, vers 1543-1550, Palais d'Eggenberg à Graz.
Fragment de portrait de Dorothée de Poméranie-Szczecin (1528-1558) en Lucrèce par Lucas Cranach l'Ancien, vers 1543-1550, collection privée.
Portrait de Dorothée de Poméranie-Szczecin (1528-1558) en Lucrèce par Lucas Cranach l'Ancien ou Lucas Cranach le Jeune, vers 1545, Museo Soumaya à Mexico.
Portrait de Dorothée de Poméranie-Szczecin (1528-1558) en Lucrèce par Lucas Cranach le Jeune, vers 1543-1550, Kunstmuseum Basel.
Portrait d'Anna de Poméranie-Szczecin (1531-1592) en Salomé avec la tête de saint Jean Baptiste par Lucas Cranach l'Ancien, vers 1543, Musée et galerie de l'Université Bob Jones à Greenville.
Portrait d'Anna de Poméranie-Szczecin (1531-1592) en Salomé avec la tête de saint Jean Baptiste par Lucas Cranach le Jeune, vers 1543-1550, Musée d'art de Göteborg.
Portrait d'Anna de Poméranie-Szczecin (1531-1592) en Vénus et Cupidon en tant que voleur de miel par Lucas Cranach le Jeune, vers 1543-1550, Germanisches Nationalmuseum.
Couple mal assorti, caricature d'Anna de Poméranie-Szczecin (1531-1592) par l'atelier de Lucas Cranach l'Ancien ou son fils, troisième quart du XVIe siècle, Musée national de Varsovie.
Couple mal assorti, caricature d'Anna de Poméranie-Szczecin (1531-1592) par l'atelier de Lucas Cranach le Jeune, troisième quart du XVIe siècle, collection privée.
Portrait de Thomas Howard, duc de Norfolk par Giovanni Cariani ou Bernardino Licinio
En février 1546 arriva à Londres l'envoyé de Pologne-Lituanie Stanisław Lasota (Stanislaus Lassota) des armoiries de Rawicz (vers 1515-1561), courtisan de la reine Bona Sforza (aulicus Bonae Reginae), valet, agent diplomatique et secrétaire royal. Il présenta à Henri VIII des propositions alléchantes de coopération avec la Pologne et assura au monarque anglais que la Pologne n'avait pas l'intention de cesser de fournir des céréales à l'Angleterre qui à l'époque était en guerre avec la France et avait besoin d'un approvisionnement constant en céréales du pays et le front de guerre.
Lasota, digne de confiance de la famille royale, était utilisé pour des missions discrètes. Il a également présenté un projet (sans autorisation officielle) de marier Sigismond Auguste à la princesse Marie Tudor (1516-1558). Henri VIII a récompensé Lasota avec une chaîne en or et l'a nommé chevalier d'or (eques auratus) devant toute la cour. Il y a même un document dans les dossiers du Conseil privé, qui montre que le Conseil a payé « Aprilis 1546. À Cornelys, l'orfèvre, pour avoir fabriqué un collier de livrée pour le gentilhomme de Polonia ». Lasota partit de Vilnius en 1545 et avant d'atteindre l'Angleterre, il se rendit également à Vienne, Munich et en Espagne. En mars 1546, Stanisław quitte Londres et arrive à Paris, où, à son tour, il propose le mariage de Sigismond Auguste avec la princesse Marguerite de Valois (1523-1574), fille du roi François Ier. Un an plus tard, Lasota retourna en Angleterre avec une ambassade officielle (d'après « Polska w oczach Anglików XIV-XVI w. » de Henryk Zins, p. 70-71). Les cadeaux précieux faisaient partie de la diplomatie à cette époque et Lasota a sans aucun doute également apporté de nombreux cadeaux précieux. En 1546, Sigismond I offrit à Hercule II d'Este, duc de Ferrare, une chaîne en or d'une valeur de 150 florins d'or hongrois. Son épouse la reine Bona, comme son fils plus tard, avait une affinité particulière pour les bijoux. En 1543, elle donna à son fils 40 coupes en argent, de nombreuses chaînes en or et d'autres objets de valeur. Des bijoux exquis étaient commandés par la reine ou pour elle auprès des meilleurs orfèvres de Pologne-Lituanie et de l'étranger. Au début de 1526, une chaîne en or fut commandée à Nuremberg pour Bona et en 1546 Seweryn Boner paya 300 florins à l'orfèvre de Nuremberg Nicolaus Nonarth pour la fabrication de colliers pour ses filles. Des perles ont été achetées pour des sommes énormes à Venise et à Gdańsk et des pierres précieuses toutes faites ont été achetées à Nuremberg et en Turquie (d'après « Klejnoty w Polsce ... » d'Ewa Letkiewicz, p. 57). En 1545, le brodeur de la cour Sebald Linck reçut de l'or vénitien et un autre type d'or, qui dans les factures est décrit comme aurum panniculare, pour orner la robe de cérémonie de Sigismond Ier. En 1554, l'envoyé de la reine acheta à Anvers « des travaux d'orfèvrerie pour un montant de 6 000, à donner à la reine d'Angleterre », comme le rapporta l'ambassadeur vénitien à la cour impériale Marc'Antonio Damula et deux ans plus tard Pietro Vanni (souvent anglicisé sous le nom de Peter Vannes), secrétaire latin du roi Henri VIII, décrivant le départ de Bona de Pologne et son séjour à Venise, écrivit qu' « elle a transporté hors du pays, par diverses voies secrètes, une quantité infinie de trésors et de bijoux » (au Conseil, 7 mars 1556, à Venise). Les portraits faisaient également partie intégrante de la diplomatie. Les dirigeants ont échangé leurs portraits, des portraits d'épouses potentielles, des membres de la famille, des personnalités importantes et des personnes célèbres. En juin 1529, un portrait du duc de Mantoue, Frédéric II de Gonzague (1500-1540), fut apporté à Bona par son émissaire et en 1530, un diplomate au service de Sigismund et Bona Jan Dantyszek envoya à Krzysztof Szydłowiecki, grand chancelier de la Couronne, le portrait du conquistador espagnol Hernán Cortés. A Varsovie conservé l'un des meilleurs portraits d'Henri VIII par l'entourage de Hans Holbein le Jeune, très probablement peint par Lucas Horenbout (Musée national de Varsovie, huile sur bois de chêne, 106 x 79 cm, inv. 128165). Le portrait est une version de l'effigie du roi créée par Holbein le Jeune en 1537 dans une peinture murale au palais de Whitehall. Il figurait plus tôt dans la collection de Jakub Ksawery Aleksander Potocki (1863-1934) et Léon Sapieha (inscription au verso : L. Sapieha) et en 1831 « Henri VIII d'Angleterre par Holbeyn sur bois dans un cadre doré » est mentionné dans un registre de peintures de Ludwik Michał Pac par Antoni Blank (1er février 1831, Ossolineum, Wrocław). Un autre catalogue de Blank, de la collection Radziwill à Nieborów près de Łódź, publié en 1835, répertorie cinq tableaux de Holbein (pièces 426, 427, 458, 503, 505). Le portrait du marchand de Gdańsk Georg Gisze (1497-1562), anobli par le roi polonais Sigismond Ier en 1519, a été créé par Hans Holbein le Jeune en 1532 à Londres pour être envoyé à son frère Tiedemann Giese, secrétaire du roi de Pologne (aujourd'hui à la Gemäldegalerie de Berlin, huile sur panneau, 97,5 x 86,2 cm, inv. 586). Dans la collection privée de Hambourg, en Allemagne, se trouve le portrait d'un riche noble (comparer Fototeca Zeri, Numero scheda 39752). Ses traits du visage et son costume sont étonnamment similaires à ceux des effigies de Thomas Howard (1473-1554), troisième duc de Norfolk, comte-maréchal et le lord grand trésorier, oncle de deux des épouses du roi Henri VIII, Anne Boleyn et Catherine Howard, et l'un des nobles les plus puissants du pays. Hans Holbein le Jeune et son atelier ont créé une série de portraits du duc de Norfolk (château de Windsor, château Howard et collection privée) âgé de 66 ans, donc créés à l'apogée de sa puissance en 1539. Bien que favorisé par Henri VIII pendant la majeure partie de sa vie, sa position devint instable après l'exécution de sa nièce Catherine Howard en 1542 et de nouveau en 1546 lorsque lui et son fils furent arrêtés pour trahison (12 décembre). Ce politicien catholique de premier plan sous Henri VIII et Marie Tudor a été décrit par l'ambassadeur vénitien Ludovico Falieri en 1531 : « [il] a une très grande expérience dans le gouvernement politique, discute admirablement des affaires du monde, aspire à une plus grande élévation et il est hostile aux étrangers, en particulier à notre nation vénitienne. Il a cinquante-huit ans, petit et maigre en personne ». Le portrait mentionné à Hambourg montre un homme âgé de 60 ou 70 ans dans un costume des années 1540. La forme de ses boucles de manche en or rappelle une rose Tudor et il tient sa main droite sur le casque fermé de son armure de style italien/français. En juin 1543, Howard déclara la guerre à la France au nom du roi pendant la guerre d'Italie de 1542-1546. Il est nommé lieutenant-général de l'armée et commande les troupes anglaises lors du siège infructueux de Montreuil. Le 7 juin 1546, le traité d'Ardres est signé avec la France. Tout indique qu'il s'agit d'un portrait d'Howard, à l'exception de la chaîne en or autour de son cou. Dans tous les portraits de Holbein et de l'atelier, il porte l'Ordre de la Jarretière, un important ordre de chevalerie lié à la couronne anglaise. Si l'on considère le portrait comme effigie du duc de Norfolk, cette chaîne différente s'inscrivait donc dans le cadre des efforts diplomatiques du commandant, qui se plaignait du ravitaillement insuffisant de son armée pendant la campagne en France. C'est donc comme un message à quelqu'un, « J'aime ton cadeau, nous pourrions être des alliés ». Une autre chose intrigante à propos de ce portrait est son auteur. Le tableau a été créé par un peintre italien dans le style proche de Giovanni Cariani et Bernardino Licinio. Federico Zeri a attribué l'œuvre en 1982 à Cariani, mort à Venise en 1547, ou à l'école du XVIe siècle de Ferrare. En 1546, la reine Bona a commandé une série de peintures pour la cathédrale de Cracovie à Venise et les contacts avec Ferrare ont été augmentés en raison du mariage prévu de Sigismond Auguste avec Anne d'Este (le portrait de la mariée aurait été envoyé via Venise par Carlo Foresta, l'un des agents du marchand de Cracovie Gaspare Gucci). En conclusion, le portrait de Hambourg a été commandé à Venise pour ou par la cour polono-lituanienne, sur la base d'un dessin ou d'une miniature envoyé d'Angleterre. Malgré leur grande richesse, le mariage avec une lointaine monarchie élective de Pologne-Lituanie n'était pas considéré comme avantageux pour les rois héréditaires d'Angleterre, surtout lorsque la guerre avec la France était terminée et qu'ils n'avaient pas besoin d'un approvisionnement accru en céréales et Sigismond Auguste a décidé d'épouser sa maîtresse Barbara Radziwill.
Portrait de Georg Gisze (1497-1562), marchand de Gdańsk par Hans Holbein le Jeune, 1532, Gemäldegalerie à Berlin.
Portrait d'Henri VIII d'Angleterre par l'entourage de Hans Holbein le Jeune, très probablement Lucas Horenbout, vers 1537-1546, Musée national de Varsovie.
Portrait de Thomas Howard (1473-1554), troisième duc de Norfolk par Giovanni Cariani ou Bernardino Licinio, vers 1542-1546, collection privée.
Portrait de Catherine Willoughby, duchesse de Suffolk par l'atelier de Hans Holbein le Jeune
On dit que Catherine Willoughby (1519-1580) fut considérée comme candidate pour épouser Sigismond Auguste après que l'ambassadeur polonais n'ait pas réussi à obtenir la main de la princesse Marie Tudor en 1546, et entre 1557 et 1559, elle et son mari furent « placés honorablement dans le comté dudit roi de Pologne, à Sanogelia [Samogitie en Lituanie], dit Crozen [Kražiai] » (d'après « Chronicles of the House of Willoughby de Eresby », p. 98). Catherine était une fille et héritière de William Willoughby, 11e baron Willoughby de Eresby, par sa seconde épouse, María de Salinas, demoiselle de compagnie de la reine Catherine d'Aragon. Elle et son deuxième mari Richard Bertie (1516-1582) étaient de confession protestante et en 1555, ils ont été forcés de fuir l'Angleterre en raison du règne catholique de la reine Marie Ire et ne sont retournés en Angleterre que sous la reine protestante Élisabeth Ire.
Son premier mari était Charles Brandon, 1er duc de Suffolk, qu'elle épousa le 7 septembre 1533, à l'âge de 14 ans. Ils eurent deux fils, tous deux décédés jeunes en 1551 - Henri (né en 1535) et Charles (né en 1537). Au Metropolitan Museum of Art, il y a un portrait d'une jeune fille âgée de 17 ans (latin : ANNO ETATIS·SVÆ XVII) par l'atelier de Hans Holbein le Jeune, également identifiée comme l'effigie de Catherine Howard, reine d'Angleterre de 1540 à 1542, donc datée vers 1540 (huile sur panneau, 28,3 x 23,2 cm, inv. 49.7.30). Le tableau se trouvait au début du XIXe siècle dans la collection du prince Józef Antoni Poniatowski (1763-1813), neveu du roi Stanislas Auguste, qui a hérité de nombreux tableaux de sa collection et par conséquent aussi des collections royales historiques. La principale caractéristique de son visage est une lèvre supérieure caractéristique, également visible sur la photo du tableau avant restauration lorsque les retouches ont été supprimées. Une lèvre similaire est vue dans des portraits identifiés comme représentant des enfants de Catherine Willoughby - Henry Brandon, 2e duc de Suffolk (1535-1551) par Hans Holbein le Jeune (Royal Collection, RCIN 422294) et Susan Bertie (née en 1554) par un peintre inconnu (Beaney House of Art and Knowledge). Son visage et sa pose ressemblent également à ceux du portrait dessiné de la duchesse de Suffolk par Hans Holbein le Jeune, créé entre 1532 et 1543 (Windsor Castle, RCIN 912194). La ressemblance d'une femme de la peinture à l'image ultérieure de la fille de Catherine est surprenante. Une broche camée sur son buste à deux têtes pourrait être Castor et Pollux, les Gémeaux astronomiques, interprétés par les mythographes de la Renaissance en termes d'immortalité partagée et de lien qui unit deux personnes même après la mort (d'après « Castor and Pollux », Cengage, Encyclopedia.com).
Portrait de Catherine Willoughby (1519-1580), duchesse de Suffolk, âgée de 17 ans par l'atelier de Hans Holbein le Jeune, vers 1536, Metropolitan Museum of Art.
Portrait du roi François Ier de France par Haydar Reis
Dans une lettre datée du 27 février 1548 de Vilnius, qui se trouvait aux Archives de l'État à Königsberg avant la Seconde Guerre mondiale, Sigismond II Auguste (1520-1572) remercie son cousin le duc Albert de Prusse (1490-1568) pour « divers portraits d'hommes et de femmes illustres » (imagines diversas illustrium virorum et mulierum) envoyés par l'intermédiaire de Piotr Wojanowski, supérieur de 14 serviteurs royaux dans des chambres privées (d'après « Zygmunt August: Wielki Książę Litwy do roku 1548 » de Ludwik Kolankowski, p. 317, 329). Les tableaux étaient destinés à la galerie du roi dans son splendide palais de Vilnius et furent très probablement détruits lors de l'occupation de la ville par les forces russes et cosaques pendant le déluge (1655-1660/1).
Il est très probable que la correspondance du peintre de la cour du duc Albert Hans Krell, résidant à Leipzig, et de Lucas Cranach l'Ancien en janvier 1546 (lettres datées du 1er et du 21 janvier) fasse référence aux portraits commandés par le roi de Pologne. Krell a envoyé une liste des portraits les plus recherchés, dont : 1) l'empereur Sigismond de Luxembourg (1368-1437), ancêtre de Sigismond Auguste par Élisabeth d'Autriche (1436-1505), 2) le roi Christian II de Danemark (1481-1559), 3) le duc Georges de Saxe (1471-1539), époux de Barbara Jagellon (1478-1534), avec deux fils Jean (1498-1537) et Frédéric (1504-1539), 4) le duc Henri IV de Saxe (1473-1541), 5) le roi François Ier de France (1494-1547), 6) le duc Éric Ier de Brunswick (1470-1540) et son épouse Élisabeth de Brandebourg (1510-1558), 7) le duc Ulrich de Wurtemberg (1487-1550), 8) le duc François de Brunswick-Lunebourg (1508-1549) et 9) le réformateur tchèque Jan Hus (vers 1370-1415), tandis qu'il existe également une mention antérieure d' « autres portraits de princes et de rois qui ne sont pas inclus dans cette liste » (So Hr andere Conterfeiungen mehr von hern Fürsten und Königen, die in dieser vorzeichnus nicht weren, zuwegebringen könth, d'après « Das Leben und die Werke Albrecht Dürer's ... » de Joseph Heller, p. 4-5). Bien que Cranach ait eu l'occasion de rencontrer certaines de ces personnes en personne et que des portraits qui lui sont attribués aient été conservés, comme les effigies de Christian II du Danemark, il ne peut pas avoir rencontré l'empereur Sigismond et Jan Hus, leurs portraits doivent donc avoir été basés sur d'autres effigies. Il en va de même pour le roi François Ier de France, car il est très peu probable que Cranach ait rencontré le monarque français en personne. Aucun autre portrait de François Ier par Cranach ne semble avoir survécu, cependant, les musées d'art de Harvard possèdent deux miniatures ottomanes de Haydar Reis (1494-1574), appelées Nigari, créées entre 1566 et 1574. L'une de ces miniatures représente le roi François Ier, probablement d'après un tableau de Jean Clouet (inv. 1985.214.A), qui appartenait au sultan Selim II (1524-1574), fils de Roxelane. L'apparence distinctive et la fleur de lys sur le chapeau du roi confirment qu'il s'agit de François Ier. L'autre image représenterait Charles Quint, empereur du Saint-Empire romain germanique, peut-être d'après un tableau perdu probablement de Cranach, comme l'indique la composition (aquarelle opaque sur papier, 22,9 x 12,8 cm, inv. 1985.214.B). L'inscription sous le portrait de François contient le nom de l'artiste et proclame de manière fictive qu'ils (François et Charles) se rendirent auprès du sultan Selim II, qui régna de 1566 à 1574, pour y recueillir un décret impérial, bien que les deux monarques n'aient jamais mis les pieds dans la capitale ottomane. Le portrait présumé de Charles Quint ne présente aucun des traits typiques des portraits de ce monarque, à savoir la mâchoire et la lèvre inférieure proéminentes des Habsbourg et l'ordre de la Toison d'or, mais les traits du visage présentent une ressemblance frappante avec les portraits connus de François Ier, comme le portrait de Titien (Musée du Louvre, INV 753 ; MR 505). Il semble plus probable que le père de Selim II, Soliman le Magnifique, ait reçu les portraits de son allié François Ier, dont l'un aurait été réalisé par Cranach comme étant celui de Sigismond Auguste, et plus tard le portrait du peintre de Wittenberg fut confondu avec le portrait de l'adversaire de François, l'empereur Charles Quint. Le costume du roi est typique des années 1540 et similaire à celui que l'on voit dans le portrait du jeune Édouard VI d'Angleterre (1537-1553), peint entre 1546 et 1547 (Château de Windsor, inv. RCIN 404441). Comme François Ier et Charles Quint, Sigismond Auguste était un grand amateur d'art de grand goût artistique et il est possible que d'autres tableaux acquis par le roi à la même époque soient également de Cranach ou de son atelier. En janvier 1548, le roi acheta à Piotrków, pendant la diète, pour 140 złoty, 29 tableaux au contenu inconnu, et en avril de la même année, Benedykt Koźmińczyk (1497-1559) acheta pour 50 złoty, 8 tableaux représentant le voyage d'Abraham et 8 autres représentant l'histoire de Joseph.
Portrait du roi François Ier de France (1494-1547) par Haydar Reis d'après l'original de Lucas Cranach l'Ancien ou atelier (?), vers 1566-1574 d'après l'original d'environ 1546, Musées d'art de Harvard.
Portrait de Marco Antonio Savelli par l'atelier de Giovanni Battista Moroni ou Moretto da Brescia
Le portrait d'un gentilhomme, attribué à Alessandro Bonvicino (vers 1498-1554), plus connu sous le nom de Moretto da Brescia, de la collection Potocki au château de Łańcut, qui a été exposé en 1940 à New York (huile sur toile, 118 x 101 cm, catalogue « For Peace and Freedom. Old masters: a collection of Polish-owned works of art ... », article 24), montre un homme tenant un livre ouvert sur un piédestal de pierre. Ce tableau est une copie d'une composition plus grande, aujourd'hui au Musée Calouste Gulbenkian de Lisbonne (inv. 92), acquise à Amsterdam en 1925, et à l'origine très probablement dans la collection Uggeri à Brescia. Selon l'inscription latine sur le socle en marbre, l'homme était membre d'une riche et influente famille aristocratique romaine Savelli (· M · A · SAVELL[i] / EX FAM[ilia] · ROMAN[a]) et son nom était très probablement Marco Antonio Savelli. Le portrait est attribué à Giovanni Battista Moroni et peut être daté du milieu du XVIe siècle.
L'attribution du portrait de Lisbonne a longtemps été controversée ; il a même été mentionné en 1760 comme une œuvre du Titien. Au début du XXe siècle, on pensait qu'il avait été peint par Moretto, tandis qu'en 1943, il a été jugé cohérent avec les œuvres de jeunesse de Moroni (d'après « Painting in the Calouste Gulbenkian Museum », éd. Luísa Sampaio, p. 40). Le portrait, issu de la collection Potocki, a été vendu aux enchères le 14 novembre 1995, attribué à un suiveur de Flaminio Torri (1620-1661), peintre baroque de l'école bolonaise. Le membre le plus puissant de la famille Savelli à cette époque était le cardinal Giacomo Savelli (1523-1587), qui remplaça officiellement Alessandro Farnèse (1520-1589), cardinal protecteur de la Pologne (à partir de 1544) pendant son absence de Rome à partir de juin 1562. De mi-1562, la chancellerie royale se tourna de plus en plus souvent avec des demandes en matière polonaise non seulement vers le protecteur et le vice-chancelier, mais aussi vers le cardinal Charles Borromeo, protonotaire apostolique, et vers les cardinaux Giacomo Savelli et Otto Truchsess von Waldburg. Il est possible que cet inconnu Marco Antonio Savelli ait été envoyé par son parent le cardinal en mission d'abord en République de Venise puis en Pologne-Lituanie.
Portrait de Marco Antonio Savelli de la collection Potocki par l'atelier de Giovanni Battista Moroni ou Moretto da Brescia, milieu du XVIe siècle, collection privée. Reconstitution virtuelle, © Marcin Latka
Portrait d'Anna de Poméranie-Szczecin par Lucas Cranach le Jeune
Le 21 décembre 1556, Anna de Poméranie-Szczecin (1531-1592), fille du duc Barnim IX/XI (1501-1573), fut fiancée à Charles (1534-1561), prince d'Anhalt-Zerbst, fils de Jean d'Anhalt-Zerbst (1504-1551) et de Marguerite de Brandebourg (1511-1577). La mère de Charles, Marguerite, fille de l'électeur Joachim Ier de Brandebourg (1484-1535), avait auparavant épousé l'oncle d'Anna, le duc Georges Ier de Poméranie (1493-1531). Le couple se maria le 16 mai 1557 à Zerbst (Ciervisti slave) lors d'une cérémonie fastueuse où 2 385 chevaux furent présentés. Anna reçut, comme ses sœurs, outre son trousseau de vêtements, de bijoux et d'argenterie, 16 000 Reichsthaler en dot (d'après « Geschichte des Herzogthums Pommern von den ältesten Zeiten ... » de Johann Jacob Sell, tome 3, p. 66).
Charles étudia à l'université de Wittenberg, puis séjourna à la cour de son oncle, l'électeur Joachim II de Brandebourg. Après la mort de son père, il prit le pouvoir avec ses frères Joachim Ernest et Bernhard VII, encore mineurs et sous la tutelle de leurs oncles Georges III (1507-1553) et Joachim Ier (1509-1561). Charles prit le pouvoir de manière indépendante en 1556. Il résida alors à Zerbst, tandis que son frère Joachim Ernest résidait à Rosslau et Bernhard à Dessau. Le mariage resta sans enfant et Charles mourut quatre ans après son mariage, le 4 mai 1561 à Zerbst. Anna épousa en secondes noces Henri de Plauen (1536-1572), burgrave de Meissen. Le mariage eut lieu le 25 août 1566, près de cinq ans après le décès de son premier mari. La princesse devint veuve pour la deuxième fois le 22 janvier 1572. Elle épousa en troisièmes noces Jobst II (1544-1609), comte de Barby-Mühlingen, le 23 septembre 1576 au château de Schleiz. Anna mourut à Rosenburg le 13 octobre 1592 et fut enterrée à Barby, dans l'église Saint-Jean. Plusieurs portraits de la princesse (Fürstin) d'Anhalt-Zerbst ont dû être peints entre 1557 et 1561, mais aucun ne semble avoir survécu. La plupart des proches d'Anna mentionnés ont été peints par Lucas Cranach l'Ancien, son fils Lucas le Jeune et leur célèbre atelier. Le portrait de son beau-père, le prince Jean d'Anhalt-Zerbst, peint par l'atelier de Cranach l'Ancien en 1532, se trouve à la Galerie de Peintures d'Anhalt (en prêt permanent à la Maison Gothique de Wörlitz, inv. M17/2006). Jean et son épouse Marguerite de Brandebourg furent représentés comme témoins du baptême du Christ dans la scène peinte par Cranach le Jeune en 1556, aujourd'hui conservée au pavillon de chasse de Grunewald à Berlin (inv. GK I 2087), quelques mois seulement avant le mariage d'Anna et Charles. Le tableau de 1556 représente le château de Dessau et la ville en arrière-plan. Derrière Jean et Marguerite, parmi la foule, on peut voir, entre autres, l'électeur Auguste de Saxe, le prince Joachim Ier, Georges III, Caspar Creuziger, Philippe Mélanchthon, Martin Luther et Cranach l'Ancien. Cependant, on ignore quand Cranach le Jeune visita Dessau. En 1565, il peint la Cène pour le prince Joachim, aujourd'hui conservée à l'église Saint-Jean de Dessau. On y voit Joachim agenouillé en donateur, Luther, Mélanchthon, d'autres réformateurs et Georges III, prince d'Anhalt-Dessau, représentés en apôtres, et Cranach le Jeune en serviteur servant du vin. Georges III, frère de Joachim, assis près de Luther, touche même le Christ. En 1895, dans la salle des chevaliers de la Maison gothique de Wörlitz, se trouvaient des portraits en pied du prince Charles et de son épouse Anna, peints par Cranach le Jeune (d'après « Anhaltische Fürsten-Bildnisse ... » d'Egbert von Frankenberg und Ludwigsdorf, tome 1, p. 116). Ils étaient très probablement similaires aux portraits de Joachim Ernest d'Anhalt (1536-1586) et de son épouse Agnès de Barby-Mühlingen (1540-1569), peints en 1563 et aujourd'hui conservés à la Maison gothique (inv. M04/2003 et M05/2003). Ces tableaux furent probablement transférés au château de Dessau avant la Seconde Guerre mondiale et sont considérés comme perdus (tempera ou huile sur toile, 212 x 95 cm, inv. 1401 et 1368). Le portrait de Charles était daté de 1559. Du 22 au 25 juin 1895, un portrait de femme par Lucas Cranach le Jeune, provenant de la collection de l'industriel allemand Henry Doetsch (1839-1894), fut vendu aux enchères à Londres (panneau, 85 x 66 cm, d'après « Catalogue of the highly important collection of pictures by old masters of Henry Doetsch ... », article 238). Le tableau arriva en Angleterre de Vienne en 1824, lors de la dissolution de la collection du noble et banquier autrichien Moritz von Fries (1777-1826). En raison de la médaille fixée au cadre, portant l'inscription ELIZABET KRELERIN HET ICH DIE GESTALT VND WAS 47 JAR ALT, le tableau fut considéré comme un « Portrait d'Elisabeth Krelerin », prétendument l'épouse du peintre Hans Krell, dans le catalogue de la collection Doetsch. La médaille représente en réalité Elisabeth Kreler, née vers 1490, épouse de Laux Kreler, orfèvre d'Augsbourg. Une maquette en bois de sa médaille, ainsi que celle de son mari, sont aujourd'hui conservées au Musée national bavarois de Munich (inv. R 469, R 468). La médaille de Kreler est datée d'environ 1537 (également de 1520, selon la date figurant sur la médaille de Laux, ou de 1540), et le portrait de la collection Doetsch étant daté de 1561, cette identification est aujourd'hui rejetée. D'après l'inscription latine dans le coin supérieur droit, accompagnée de la marque de Cranach, la femme avait 30 ans en 1561 (ANNO ÆTATIS XXX / ANNO CHRISTI SALVATORIS MDLXI), exactement comme Anna de Poméranie-Szczecin, lorsqu'elle devint veuve (née le 5 février 1531). Le portrait correspondant est inconnu, et le bonnet et la robe noire de la femme indiquent qu'elle était bien veuve. Un bonnet similaire orne la statue d'Anna sur sa pierre tombale dans l'église Saint-Jean de Barby. Les traits du visage de la femme ressemblent à ceux d'Anna, tels que ceux de ses portraits par Cranach et d'atelier - une composition de groupe de la collection Stemmler de Cologne, ainsi que de son portrait en Vénus (Germanisches Nationalmuseum de Nuremberg, inv. Gm1097), tous deux identifiés par moi. La Galerie de Peinture d'Anhalt à Dessau abrite un autre portrait féminin intéressant de Lucas Cranach l'Ancien (inv. 13). Il représente Marguerite d'Autriche (1480-1530), fille de l'empereur Maximilien Ier (1459-1519) issue de son mariage avec Marie de Bourgogne (1457-1482). Elle fut gouverneure des Pays-Bas des Habsbourg de 1507 à 1515, puis de 1519 jusqu'à sa mort en 1530. Le modèle est identifié par correspondance avec de nombreux portraits similaires du peintre de cour de Marguerite, Bernard van Orley, peints après 1519. Personne ne se demande donc comment et quand Cranach l'a rencontrée peu avant sa mort, ni pourquoi cette veuve influente porte une tenue si modeste, rappelant celle d'une religieuse. Le tableau provient de l'ancienne collection de la Maison gothique de Wörlitz, il n'est donc pas exclu qu'il ait été réalisé pour une autre femme importante de l'époque, Marguerite de Ziębice (1473-1530), princesse d'Anhalt, qui a également été peinte par Cranach.
Portrait d'Anna de Poméranie-Szczecin (1531-1592), princesse d'Anhalt-Zerbst, âgée de 30 ans, par Lucas Cranach le Jeune, 1561, collection privée, perdu. Reconstitution virtuelle, © Marcin Latka
Portraits du duc Henri XI de Legnica par des peintres flamands et français
En 1551, Frédéric III, duc de Legnica (1520-1570) visita la cour royale française et polonaise. Le duc a rejoint une coalition de princes protestants rebelles et a formé une alliance avec le roi Henri II de France, un ennemi de longue date des Habsbourg. Par conséquent, il fut privé du duché au profit de son fils Henri XI (1539-1588), encore mineur et régnant initialement sous la régence de son oncle, le duc Georges II de Brzeg (1523-1586).
En dépit d'être un fief des Habsbourg, Georges II s'opposait à leur politique absolutiste en Silésie. Par son mariage avec la fille de l'électeur de Brandebourg Barbara (1527-1595), petite-fille de Barbara Jagiellon (1478-1534), il était en bons termes avec l'électorat de Brandebourg. Il entretint également des relations amicales avec la Pologne, correspondit avec l'archevêque de Gniezno Jakub Uchański, le roi Sigismond II Auguste, et plus tard avec Étienne Bathory. Le jeune duc Henri passa plusieurs années à la cour de son oncle à Brzeg. Entre 1547 et 1560, Georges II a reconstruit le château de Brzeg dans le style Renaissance. Les architectes italiens Giovanni Battista de Pario (Johann Baptist Pahr) et son fils Francesco ont ajouté une cour à arcades, fortement inspirée de l'architecture du château royal de Wawel à Cracovie. Certaines des tapisseries qu'il commanda s'inspirèrent également de célèbres tapisseries jagellonnes (arras du Wawel). La tapisserie avec l'enlèvement des Sabines avec les armoiries de Georges II et de sa femme, aujourd'hui en collection privée, créée entre 1567 et 1586, est une copie de La chute morale de l'humanité de Wawel de la série L'histoire des premiers parents, tissée entre 1548-1553 à Bruxelles par Jan de Kempeneer après conception par Michiel Coxie pour le roi Sigismond Auguste. Le tisserand a juste réarrangé quelques figures dans la composition. Deux autres tapisseries faites pour le duc de Brzeg se trouvent dans l'église cathédrale de Saint-Paul à Detroit. La tapisserie héraldique avec les armoiries de Georges II et de sa femme au Musée national de Wrocław, a été créée en 1564 par son tisserand de la cour (à partir de 1556) le flamand Jacob van Husen, qui a travaillé auparavant (pendant dix ans) dans l'atelier de Peter Heymanns à Szczecin. Son successeur fut Egidius Hohenstrasse de Bruxelles, actif à Brzeg à partir des années 1570 et y demeura jusqu'à sa mort en 1621 (d'après « Funkcja dzieła sztuki ... », p. 203). Il a créé la tapisserie héraldique avec les armoiries de Barbara de Brandebourg (église Saint-Nicolas à Brzeg). A cette époque, la Silésie est devenue un centre important de l'industrie textile européenne. Dans la première moitié du XVIe siècle, les marchands de Legnica apparaissent de plus en plus souvent à la foire de Leipzig, vendant principalement des toiles de Silésie. Les matières premières et les produits de tissage prêts à l'emploi, en particulier les tissus de Legnica, étaient exportés vers d'autres villes, tandis que la laine était amenée à Legnica depuis la Grande Pologne. L'exportation de lin silésien a commencé à être organisée dans les années 1560 par des marchands néerlandais. Ce sont les marchands flamands/hollandais, qui contrôlaient environ 80 % du commerce baltique à l'époque, qui sont devenus les organisateurs de l'exportation du lin de Silésie vers l'Amérique et l'Afrique de l'Ouest au tournant des XVIe et XVIIe siècles. Selon un document de 1565 délivré par le roi Sigismond Auguste, des marchands de Silésie et de Moravie vendaient du tissu en Pologne. Contre la concurrence des marchands étrangers, en particulier les Écossais, les Anglais et les Hollandais, qui à la fin du XVIe siècle ont commencé à affluer en masse en Silésie, un brevet impérial du 20 août 1599 a été imposé, en vertu duquel seuls les marchands locaux pouvaient commerce de produits silésiens (d'après « Związki handlowe Śląska z Rzecząpospolitą ... » de Marian Wolański, p. 126). Les peintres de Venise et plus tard des Pays-Bas avaient besoin de tissu pour leurs peintures et au XVIIème siècle, la toile était importée à grande échelle de Silésie aux Pays-Bas (d'après « A Corpus of Rembrandt Paintings: Volume II: 1631–1634 », p. 18). Dans le domaine artistique, les liens avec la Pologne, la Flandre et la République néerlandaise étaient également forts. En 1550, le conseil municipal de Poznań paie 3 florins et 24 grossus au conseil de Legnica en Silésie pour un portrait de l'empereur Charles V. Il aurait pu s'agir d'une petite peinture de la collection Skórzewski de l'atelier de Lucas Cranach l'Ancien, aujourd'hui dans le château de Gołuchów (Musée national à Poznań, inv. Mo 473), cependant, cette effigie aurait également pu être peint par l'école flamande, comme la peinture à Varsovie (Musée national en Varsovie, 183175 MNW) ou école espagnole, flamande ou italienne après original de Titian, comme le portrait à Cracovie (Musée Czartoryski, MNK XII-259, acheté à Paris en 1869). Les peintures étaient principalement importées de l'étranger et venaient d'Allemagne, d'Italie et des Pays-Bas. En 1561 Jan Frayberger, un marchand de Wrocław en Silésie, amené à Poznań douze douzaines de cartes à jouer peintes en Flandre et « 2 peintures de l'électeur saxon », Stanisław Voitt avait « 11 peintures néerlandais sur toile, neuves » et en 1559 Jan Iwieński a apporté deux coffres de livres d'Italie, plusieurs objets du quotidien et une peinture imago quedam. Un orfèvre bien connu de Poznań, Erazm Kamin (décédé en 1585), avait quatre peintures sur toile et 14 peintures italiennes et un fourreur de Poznań Jan Rakwicz (décédé en 1571) a laissé « 10 peintures en cadres, 4 peintures sans cadres » (d'après « Studia Renesansowe », volume 1, p. 369-370). Selon les documents conservés, les rois de la Pologne ont ordonné des tapisseries (en 1526 1533, entre 1548-1553) et des peintures (en 1536) en Flandre. Les Habsbourg espagnols et autrichiens ont commandé des tapisseries avec leurs effigies (Épisodes de la conquête de Tunis) et inspirée par les œuvres de Jérôme Bosch (tapisseries - La Tentation de saint Antoine et Le Chariot de foin à Madrid), tout comme les souverains de France (Tapisseries des Valois à Florence, l'une avec le bal organisé pour les ambassadeurs polonais en 1573) et du Portugal (Actes et triomphes de João de Castro, vice-roi des Indes portugaises à Vienne). Les portraitistes flamands étaient alors considérés parmi les meilleurs d'Europe. Certains d'entre eux étaient prêts à voyager, comme Lucas de Heere, qui a conçu des tapisseries pour Catherine de 'Medici et qui a créé le triple portrait de profil, dit être des mignons (les amants) d'Henri de Valois (Milwaukee Art Museum), mais d'autres non. Aujourd'hui, les riches commandent des choses aussi personnalisées dans des endroits très éloignés comme les chaussures, c'était la même chose au XVIe siècle. Selon l'inscription latine dans la partie supérieure de la peinture vendue à Paris en 2019 (huile sur panneau, 35,5 x 27,6 cm, Artcurial, 27.03.2019, lot 294), l'homme représenté avait 24 ans en 1563 (AN° DNI - 1563 - ÆTATIS - SVE - 24 -), exactement comme le duc Henri XI de Legnica (né le 23 février 1539 au château de Legnica), lorsque l'empereur Maximilien II arriva à Legnica pour le baptême de sa fille Anne Marie, accueilli par une grande et magnifique fête. Cette petite peinture est attribuée à Gillis Claeissens (ou Egidius Claeissens), un peintre flamande actif à Bruges, et vient de la collection privée à Paris. Il existe presque une copie exacte de ce tableau, cependant, le visage et la main gauche sont différents, ainsi que l'inscription. Le peintre vient de « coller » l'autre visage dans le même corps. Cette « copie » est maintenant dans le musée Helmond aux Pays-Bas (huile sur panneau, 35,5 x 27,5 cm, numéro d'inventaire 2007-015) et l'homme représenté avait 22 ans en 1563 (AN° DNI - 1563 - ÆTATIS SVE - 22 -), donc né en 1541. Il n'y a aucune ressemblance entre l'homme aux cheveux roux et l'homme aux cheveux noirs, donc ils n'étaient pas membres de la même famille. L'homme du portrait d'Helmond est identifié comme Adolf van Cortenbach, seigneur d'Helmond à partir de 1578, cependant, Adolf est né vers 1540, il aurait donc 23 ans en 1563, et non 22. Ce modèle a une ressemblance frappante avec un homme né en 1541 dont le visage est connu par de nombreuses effigies peints par les meilleurs peintres européens - François de Médicis, plus tard le grand-duc de Toscane et regent de 1564. Avant son mariage avec Jeanne d'Autriche, fille d'Anna Jagellon (1503-1547) en 1565, François avait passé un an (juin 1562 - septembre 1563) à la cour du roi Philippe II d'Espagne, seigneur des dix-sept provinces des Pays-Bas. Vers 1587, Hans von Aachen, qui, de 1585, a vécu à Venise, a créé un portrait de François (Palais Pitti, OdA Pitti 767), et entre 1621-1625, un peintre flamand Peter Paul Rubens a copié une effigie du duc pour sa fille Marie de Médicis, reine de France (Louvre). Bien que dans la majorité de ses portraits, François ait les yeux bruns, dans celui-ci, comme dans le tableau d'Alessandro Allori au musée Mayer van den Bergh à Anvers (MMB.0199), ses yeux sont bleus. L'homme aux cheveux roux du portrait de Paris a également été représenté dans un autre tableau, aujourd'hui à la National Gallery of Art de Washington (huile sur panneau, 31,2 x 22,7 cm, numéro d'inventaire 1942.16.1). Il est plus âgé, son front est plus haut, il a perdu une partie de ses cheveux et son costume et sa collerette à la française indiquent que le tableau a été réalisé dans les années 1570. Au début du XXe siècle, ce tableau faisait partie de la collection du marchand d'art Charles Albert de Burlet à Berlin, où de nombreux objets des collections ducales de Legnica et Brzeg ont été transportés après 1740-1741. Le portrait est attribué à l'école française et son style est très proche du portrait de Claude Catherine de Clermont, duchesse de Retz au Musée Czartoryski (MNK XII-293), attribué au disciple de François Clouet, peut-être Jean de Court, mort à Paris après 1585 et qui succède en 1572 à Clouet comme peintre du roi de France. De grandes similitudes sont également à noter avec le portrait de Louis Ier de Bourbon, prince de Condé (1530-1569) par l'atelier de François Clouet (vendu chez Sotheby's, vente L14037, lot 105). Après la mort de Sigismond II Auguste, Henri XI est candidat à la couronne polonaise lors de la première élection libre en 1573, mais il n'obtient que trois voix et c'est le candidat français Henri de Valois qui est élu. Au début de 1575, il est à Poznań lors des funérailles de l'évêque Adam Konarski et en juillet il se rend à Cracovie, afin de s'entretenir avec le voïvode local, Piotr Zborowski, qui devait l'aider à obtenir le trône. En 1576, le duc de Legnica participe à l'expédition en France de l'exilé Henri Ier de Bourbon, prince de Condé (1552-1588), fils de Louis, qui fuit en Alsace et rallié de nouvelles troupes huguenotes. La conduite d'Henri devint de plus en plus prodigue, il entreprit de nombreux voyages coûteux dans diverses villes, doublant les dettes laissées par son père. En 1569, il participe au Sejm de Lublin, où l'Union de Lublin est conclue. Lors d'une rencontre avec Sigismond II Auguste à Lublin, il offrit au monarque polonais deux lions et des bijoux précieux et cette expédition coûta 24 000 thalers, alors que le revenu annuel du duc s'élevait à moins de 12 000 thalers. Pendant son absence, il est déposé en 1576 par l'empereur Maximilien II et son frère Frédéric IV, jusqu'alors co-gouvernant, exerce seul le pouvoir. Quatre ans plus tard, en 1580, Henri XI fut autorisé à régner à nouveau à Legnica, mais en 1581, il entra en conflit avec l'empereur Rodolphe II et fut emprisonné au château de Prague puis transféré à Wrocław et Świdnica. En 1585, Henri XI réussit à s'échapper et s'enfuit en Pologne. Avec l'aide de la reine élue Anna Jagellon et de son mari, il tente en vain de reprendre le contrôle de son duché. En 1587, il se rendit en Suède en tant qu'envoyé personnel de la reine et il accompagna le roi nouvellement élu Sigismond III Vasa à Cracovie, où Henri XI mourut en mars 1588 après une courte maladie. Parce qu'il était protestant, le clergé catholique de Cracovie a refusé de lui donner une sépulture. Finalement, son corps a été inhumé dans la chapelle de l'église des Carmélites. Cette église gothique, fondée en 1395 par la reine Jadwiga et son époux Jogaila de Lituanie (Ladislas II Jagellon) fut gravement endommagée en 1587 lors du siège de Cracovie par l'empereur Maximilien. Le bâtiment a été reconstruit avec l'aide financière d'Anna Jagellon en 1588. Au Musée national de Varsovie (déposé au Palais sur l'Isle) se trouve un portrait d'un homme chauve avec une barbe du quatrième quart du XVIe siècle, peint par un peintre flamand (huile sur panneau, 44,9 x 30,3 cm, numéro d'inventaire Dep 629, M.Ob.2753, antérieur 158169). Il a été acquis entre 1945-1957. Cet homme a une ressemblance frappante avec l'homme du portrait de Washington et avec la seule représentation graphique connue à ce jour du duc Henri XI de Legnica, gravure de Bartłomiej Strachowski, publiée dans Liegnitzische Jahr-Bücher ... par Georg Thebesius en 1733, d'après l'effigie originale d'environ 1580. Le style du portrait d'homme barbu à Varsovie ressemble beaucoup au portrait d'Alexandre Farnèse (1545-1592), duc de Parme et gouverneur des Pays-Bas espagnols, attribué à Antoon Claeissens, frère de Gillis, dans la même collection (déposé au Palais sur l'Isle, Dep 630, M.Ob.2749). Le portrait de Farnèse a été acheté en 1950 à Czesław Domaradzki et a des dimensions presque identiques (huile sur panneau, 44,5 x 33,5 cm). En collection privée, il existe un autre portrait aux dimensions similaires (huile sur panneau, 46,4 x 35,6 cm), attribué à Adriaen Thomasz. Key (décédé après 1589), et similaire à l'effigie en pied du roi Philippe II d'Espagne par Juan Pantoja de la Cruz dans l'Escorial, tandis qu'au Rijksmuseum Amsterdam se trouve un portrait de la reine Anna Jagellon, acheté en 1955 au marchand Alfred Weinberger à Paris, attribué à l'école de Cologne, proche des oeuvres d'un peintre actif à Lviv, Jan Szwankowski (décédé en 1602). Au Kunsthistorisches Museum de Vienne se trouvent deux miniatures des duchesses de Legnica (inscription D. DE LIGNIZ) des années 1570, peintes par un peintre flamand ou italien, qu'il convient d'identifier comme Anne Marie (1563-1620) et Émilie (1563-1618), filles d'Henri XI. En conclusion, les souverains d'Europe échangeaient fréquemment leurs effigies, qui étaient fréquemment créées dans différents endroits, pas nécessairement par les « peintres de la cour ».
Portrait du duc Henri XI de Legnica (1539-1588), âgé de 24 ans par Gillis Claeissens, 1563, collection particulière.
Portrait de François de Médicis (1541-1587), âgé de 22 ans par Gillis Claeissens, 1563, Museum Helmond.
Portrait du duc Henri XI de Legnica (1539-1588) par suiveur de François Clouet, peut-être Jean de Court, vers 1570-1576, National Gallery of Art de Washington.
Portrait du duc Henri XI de Legnica (1539-1588) par Antoon Claeissens, années 1580, Musée national de Varsovie.
Portrait de la reine Anna Jagellon (1523-1596) par Jan Szwankowski ou école de Cologne, vers 1590, Rijksmuseum Amsterdam.
Portrait du roi Philippe II d'Espagne (1527-1598) par Adriaen Thomasz. Key ou suiveur, vers 1590, collection particulière.
Portraits d'Andreas Jerin par l'entourage de Giovanni Battista Moroni et Gillis Claeissen
À l'été 1566, le jeune Andreas Jerin (également von Jerin, Gerinus ou Jerinus) se rendit à Rome pour poursuivre ses études philosophiques et théologiques. À partir de 1559, il étudie à l'Université de Dillingen en Bavière, où il obtient un baccalauréat et une maîtrise en 1563. En tant que précepteur des frères Gebhard et Christoph Truchsess von Waldburg, fils du conseiller impérial, il poursuit ses études à l'Université de Louvain aux Pays-Bas espagnols en 1563 et fut accepté comme alumne du Collegium Germanicum et Hungaricum à Rome en octobre 1566 sur la recommandation de Petrus Canisius, un prêtre jésuite néerlandais. Deux ans plus tard, il est ordonné prêtre dans la sacristie de la basilique Saint-Pierre (15 décembre 1568). Il était alors pasteur de la Garde Suisse. En 1571, il obtient son doctorat en théologie à l'université de Bologne et le cardinal Otto Truchsess von Waldburg lui confie la paroisse de Dillingen.
Dès 1570, il reçut le titre de chanoine à la cathédrale Saint-Jean-Baptiste de Wrocław en Silésie, où il devint prédicateur de la cathédrale en 1572. En même temps, il obtint la charge de recteur au séminaire de Wrocław. À partir de 1573, il fut gardien de l'église de la Sainte-Croix (jusqu'en 1538, Copernic était scolastique de cette église). A cette époque, Hieronim Rozdrażewski (mort en 1600) était prévôt de Wrocław. Rozdrażewski a reçu la prévôté en 1567, cependant, en raison de la forte résistance du chapitre, il ne l'a repris qu'en 1570. Le prévôt, qui dans son enfance est resté avec ses frères à la cour royale de France et a étudié à Ingolstadt et à Rome, devient secrétaire royal à la fin du règne de Sigismond Auguste. Il a participé à la vie politique de la Pologne et ses fonctions à Wrocław ont été exercées à sa demande par Andreas. En 1578, Rozdrażewski démissionna de la prévôté en faveur de Jerin. Le 29 septembre 1578, Jerin fut élevé à la noblesse de Bohême à Prague. Pour ses services d'envoyé impérial en Pologne, l'empereur Rodolphe II l'éleva à la noblesse impériale et héréditaire autrichienne le 25 février 1583. Après la mort de Martin von Gerstmann, évêque de Wrocław, le chapitre de la cathédrale élit Jerin, le candidat de l'empereur, comme son successeur le 1er juillet 1585. Malgré une certaine opposition à Jerin en tant que non-silésien et d'origine roturière, il fut consacré le 9 février 1586. Au même moment, l'empereur le nomma gouverneur principal de la Silésie. Andreas a célébré des événements importants de sa vie avec des portraits. Deux de ses portraits conservés ont été créés après son élévation au rang d'évêque de Wrocław. L'un, attribué à Martin Kober, se trouve au Musée national de Wrocław. L'autre le montrant à l'âge de 47 ans (suae aetatis XXXX VII) et attribuée à Bartholomeus Fichtenberger, a très probablement été offerte par l'évêque lui-même à l'église paroissiale de Saint-Georges dans sa ville natale de Riedlingen sur le Danube dans le sud-ouest de l'Allemagne, à environ 400 km au nord de Bergame et de Milan. Il a également offert un calice en argent avec ses armoiries à l'église de Riedlingen (le portrait et le calice se trouvent maintenant au musée local). Il était mécène des sciences et des arts. En 1590, il fit fabriquer par l'orfèvre Paul Nitsch (1548-1609) un précieux maître-autel en argent pour la cathédrale de Wrocław, récemment reconstruite après la destruction pendant la Seconde Guerre mondiale. En 1624, lors de sa visite dans la ville, l'autel fut admiré par le prince Ladislas Sigismond Vasa (futur roi de Pologne sous le nom de Ladislas IV). Fichtenberger a peint les ailes de ce retable en 1591 et l'évêque a été représenté dans la scène du sermon de saint Jean-Baptiste et comme saint Ambroise, évêque de Milan et saint patron de cette ville, dans les ailes extérieures avec les Pères de l'Église. En 1586, Nitsch a également créé un retable portable en or pour l'évêque (cathédrale de Wrocław). Le 28 mars 2019, un portrait de gentilhomme, à mi-corps, en pourpoint noir, collerette blanche et chapeau noir, attribué à l'entourage de Giovanni Battista Moroni a été vendu aux enchères à Munich (Hampel Fine Art Auctions, huile sur toile, 68,6 x 52,7 cm, lot 1045). D'après l'inscription originale en latin, couverte car en mauvais état et répétée par le restaurateur au revers, l'homme avait 27 ans en 1567 (ÆTATIS. SVE. 27. / ANNO DNI 1567, en haut à gauche), exactement comme Jerin lorsqu'il étudiait à Rome. S'il s'y rend depuis Riedlingen, où il est né en 1540, ou depuis Louvain via Riedlingen, son arrêt possible avant octobre 1566 est Bergame en République de Venise ou Milan, où il peut commander un portrait. L'atelier de peinture le plus célèbre de cette région à cette époque était celui de Moroni, qui réalisa en 1567 un tableau de la Cène pour l'église de Romano di Lombardia et le portrait de Wawrzyniec Grzymała Goślicki (Accademia Carrara à Bergame). L'homme du tableau ressemble fortement aux effigies mentionnées d'Andreas Jerin. Il existe une copie presque exacte de ce portrait, de trois quarts, qui a cependant été réalisé par un autre atelier, plus proche de l'école flamande. Ce tableau a également été vendu à Hampel, Munich (4 décembre 2020, huile sur bois, 43 x 33,5 cm, lot 1121) et provient d'une collection privée à Paris. Il est attribué au peintre flamand Gillis Claeissens (mort en 1605) ou à son entourage. Gillis, né à Bruges, était membre d'une importante famille d'artistes et il est identifié avec le monogrammiste G.E.C. Il fut admis comme maître de la Guilde de Saint-Luc de Bruges le 18 octobre 1566 et il resta dans l'atelier de son père Pieter Claeissens l'Ancien jusqu'en 1570. Jerin semble avoir commandé une copie de son portrait italien en Flandre pour ses amis de Louvain ou d'ailleurs. Un portrait peint dans un style très similaire se trouve à Lviv, Ukraine (Galerie nationale d'art, huile sur bois, 28,8 x 21, numéro d'inventaire Ж-453). Il montre une jeune fille en prière et son costume indique que le tableau a été créé dans les années 1570. Il est attribué à un peintre allemand ou du sud des Pays-Bas et provient très probablement de la collection des Princes Lubomirski. Avant que tout ne soit détruit par la guerre et la haine, la République polono-lituanienne, établi par l'Union de Lublin en juillet 1569, était une terre de grande prospérité pour différents peuples. Depuis le Moyen Âge, les marchands vénitiens, génois et autres venus à Lviv apportaient des épices, des tissus de soie, des bijoux, des armes décoratives et des produits en maroquin de Kaffa, le grand centre du commerce génois sur la mer Noire. De là, les marchandises orientales étaient envoyées à Cracovie et Wrocław, puis à Nuremberg et jusqu'au port de Bruges en Flandre. Des marchands de Lviv leur vendaient du tissu, de l'ambre, des peaux brutes et harengs (d'après « Prace Komisji Historycznej », Volume 65, p. 198). Aux XIVe et XVe siècles, il y avait un poste de traite de l'Ordre teutonique à Lviv et en 1392, l'ambre prussien était stocké dans la ville dans la cave du marchand Ebirhard Swarcze. De Lviv, l'ambre était exporté vers Constantinople (d'après « Z historii południowo-wschodniego szlaku bursztynowego » de Jarosław R. Daszkiewicz, p. 261). Le commerce a prospéré dans la seconde moitié du XVIe siècle - deux Juifs de Lviv ont payé cinquante livres d'ambre à Chaim Kohen de Constantinople pour du vin, du riz et des racines (cassiae), l'Arménien Christophe, traducteur de Son Altesse, prend à Chaskiel Judowy du vin et lui donne en retour de l'étain, du tissu de Lyon et de Gdańsk et du tissu karazye, le marchand grec Konstantinos Korniaktos (Konstanty Korniakt) prend des tissus anglais et hollandais au marchand de Lviv Wilhelm Boger, et le paie avec de l'alun, du seigle et du blé. L'exportation de céréales vers Gdańsk dans la seconde moitié du XVIe siècle à Lviv était dominée par deux marchands locaux Zebald Aichinger et Stanisław Szembek et au deuxième rang il y avait toute une colonie d'Anglais qui s'étaient installés dans la ville, comme Tomasz Gorny, Wilhelm Allandt, Jan Whigt, Wilhelm Babington, Jan Pontis, Ryszard Hudson et Wilhelm Moore. L'un des principaux acheteurs de céréales à Lviv à cette époque était un marchand londonien, Richard Stapper, dont l'agent à Lviv était Jan Pontis (d'après « Patrycyat i mieszczaństwo lwowskie ... » de Władysław Łoziński, p. 43, 46-47) . Des artistes étrangers, comme les architectes italiens Pietro di Barbona (décédé en 1588) et Paolo Dominici Romanus (décédé en 1618), l'architecte Andreas Bemer (Andrzej Bemer, décédé après 1626) d'origine allemande ou tchèque, et le sculpteur néerlandais Hendrik Horst (décédé en 1612), étaient actifs à Lviv. Il est possible que la jeune fille représentée soit la fille d'un marchand et que son portrait ait été commandé à Bruges et envoyé à Lviv. Au cours de ses études, Jerin a eu l'occasion de rencontrer de nombreux Polonais et lors de ses séjours dans la République polono-lituanienne en tant qu'envoyé impérial (Lublin, 1589 et Cracovie, 1592), il a eu l'occasion d'admirer certaines des œuvres d'art exquises de la collection royale, dont le célèbre autel en argent de Sigismond Ier dans sa chapelle de la cathédrale de Wawel, créé à Nuremberg entre 1531 et 1538, qui a probablement inspiré la fondation d'Andreas pour la cathédrale de Wrocław. A l'occasion des négociations de paix avec la République en 1589, Andrzej Schoneus de Głogów (Andreas Glogoviensis), plus tard recteur de l'Académie de Cracovie, publia à Cracovie deux odes sur « la paix sarmate » (De pace Sarmatica Odae II Ad Andream Gerinum), dédiées à Jérin.
Portrait d'Andreas Jerin (1540-1596), âgé de 27 ans par l'entourage de Giovanni Battista Moroni, 1567, collection particulière.
Portrait d'Andreas Jerin (1540-1596) dans un pourpoint noir par Gillis Claeissens, vers 1567, collection particulière.
Portrait d'une jeune fille en donatrice par Gillis Claeissens, années 1570, Galerie nationale d'art de Lviv.
Portrait de Marie de Portugal, duchesse de Parme et de Plaisance par Sofonisba Anguissola ou atelier
En 1573, le jeune Alexandre Farnèse (1545-1592), âgé de 28 ans, fils d'Octave Farnèse (1524-1586), duc de Parme et de Plaisance, petit-fils du pape Paul III, et de Marguerite d'Autriche (1522-1586), la fille illégitime fille de l'empereur Charles Quint, a participé comme candidat à la première élection royale libre organisée dans la République polono-lituanienne. Grâce au soutien de la communauté italienne, il fut un candidat important et, avec Alphonse II d'Este (1533-1597), duc de Ferrare, il participa à trois élections (en 1573, 1576 et 1587). « Le souverain de Ferrare était considéré comme un peu avancé en âge et le duc de Parme, un jeune et courageux soldat, satisfaisait les ambitions des Polonais. Cependant, il ne représentait pas la position politique appropriée et ne disposait pas de liquidités suffisantes. Pour ces raisons, il ne pouvait pas être considéré comme un candidat sérieux » (d'après « Dwór medycejski i Habsburgowie … » de Danuta Quirini-Popławska, p. 123).
Ses chances pour la couronne augmentent lors de la troisième élection, il devient gouverneur des Pays-Bas espagnols en 1578 et duc de Parme et de Plaisance en 1586, et il peut compter sur le soutien de son oncle Philippe II d'Espagne. Comme à chaque élection, les candidats devaient se présenter à l'électorat, qui s'intéressait non seulement à leurs relations politiques, à leur richesse et à leurs capacités de primauté, mais aussi à leur apparence et à leur vie personnelle. Le portrait d'Alphonse II d'Este de la collection Popławski, attribué à Hans von Aachen, probablement commandé à Venise, Augsbourg ou Prague, où le peintre était alors actif, aujourd'hui conservé au Musée national de Varsovie (huile sur toile, 134 x 102 cm, M.Ob.1913 MNW), est probablement lié à la candidature du duc à l'élection royale de 1587. Un beau portrait du duc de Parme, attribué à Antoon Claeissens, probablement réalisé aussi vers 1587, se trouve également au Musée national de Varsovie (huile sur panneau, 44,5 x 33,5 cm, M.Ob.2749 MNW). Il a été acheté à Czesław Domaradzki en 1950 et porte l'inscription en latin dans le coin supérieur droit : ALEXANDER FARNESIVS PRINCEPS PARMÆ. Le 11 novembre 1565, Alexandre épouse à Bruxelles l'infante Marie de Portugal (1538-1577), petite-fille du roi Manuel Ier et cousine du roi Sébastien. Les splendides célébrations de ce mariage sont commémorées dans ce qu'on appelle « L'Album de Bruxelles » , attribué à l'entourage de Frans Floris l'Ancien, aujourd'hui conservé à la Bibliothèque de l'université de Varsovie (Salle des estampes, zb.d.10255). Le couple s'installe à Parme en 1566 et Marie donne naissance à trois enfants : Ranuce (1569-1622), Marguerite (1567-1643) et Édouard (1573-1626). Elle meurt en 1577 à l'âge de trente-neuf ans, mais en 1573 et 1575 elle se voit comme une potentielle future reine de Pologne et grande-duchesse de Lituanie. Avant la Seconde Guerre mondiale, dans la collection Potocki, probablement dans le splendide château de Łańcut, se trouvait un portrait de dame, attribué au peintre français François Clouet (mort en 1572). Avant 1940, avec d'autres tableaux, il fut évacué vers les États-Unis et exposé dans le pavillon polonais de l'Exposition universelle de New York inaugurée le 30 avril 1939, inclus dans le catalogue : « Pour la paix et la liberté. Maîtres anciens : une collection d'œuvres d'art appartenant à des Polonais, organisées par la European Art Galleries, Inc., pour aider à maintenir l'exposition de la Pologne à l'Exposition universelle de New York, 1940 » (For Peace and Freedom. Old masters: a collection of Polish-owned works of art, arranged by the European Art Galleries, Inc., to help to maintain the exhibit of Poland at the World's Fair, New York, 1940, article 64). Ce tableau se trouve aujourd'hui au Museo de Arte de Ponce à Ponce, Porto Rico (huile sur panneau, 50,5 x 39,7 cm, inv. 59.0072). Il a été acheté à New York en 1959. Ce « Portrait de dame à l'œillet » est attribué à l'entourage du peintre espagnol Alonso Sánchez Coello et daté d'environ 1566. On pense que le portrait représente Marie de Portugal, duchesse de Parme et de Plaisance, dont le mari a également fait peindre son portrait par Sánchez Coello. Le modèle du portrait a tenu à souligner qu'elle est une épouse exemplaire, car l'œillet rouge qui pend à son cou sert probablement de symbole d'amour, de mariage et de fidélité. Son riche costume orné de bijoux témoigne de la splendeur aristocratique et de la richesse. Une candidate parfaite pour une reine. Le modèle ressemble à la duchesse de Parme d'après certains de ses portraits. Les lèvres ressemblent beaucoup à des portraits bien connus de Marie, comme le tableau de la Pinacothèque Stuard à Parme (inv. 23), attribué à l'entourage d'Antonis Mor ou de Girolamo Mazzola Bedoli, qui la montre probablement dans sa robe de mariée, dont un prototype a probablement été peint à Bruxelles en 1565. Des copies du portrait de la Pinacothèque Stuard se trouvent à la Galleria nazionale di Parma (inv. 1177/5), attribuée au peintre portugais Francisco de Holanda, et dans une collection privée (Dorotheum à Vienne, 9 juin 2020, lot 48), peut-être peint par Otto van Veen ou son atelier vers 1600. Le teint foncé et le costume de la dame ressemblent à ceux du portrait de Marie conservé au Museu Nacional de Arte Antiga de Lisbonne (inv. 2094 Pint), acheté à Paris en 1957, attribué à Joris van der Straeten, qui a probablement visité le Portugal en 1556 (d'où la datation générale de ce portrait). Cependant, l'identification du modèle et l'attribution du portrait de Lisbonne sont désormais remises en question après la découverte d'un portrait très similaire, attribué à Gillis Claeissens (1526-1605), frère d'Antoon, peintre flamand actif à Bruges (Christie's à Londres, vente 1165, 4 décembre 2013, lot 118, comparer « Shopping for Global Goods. Portrait of a Gentleman » d'Annemarie Jordan Gschwend et Hugo Miguel Crespo, p. 48). Bien qu'il soit possible que la femme dans les portraits attribués à Claeissens ne soit pas Marie de Portugal, les petites différences d'apparence pourraient être le résultat de copies qui déformaient fréquemment les traits, comme dans le cas des portraits de l'empereur Charles Quint réalisés par des peintres italiens, flamands et allemands. Selon l'approche traditionnelle, le peintre et le modèle doivent s'être rencontrés en personne, c'est pourquoi les identifications et les attributions sont souvent basées sur ce facteur. Il convient toutefois de noter que des copies étaient fréquemment réalisées à partir d'autres effigies et qu'un peintre habile pouvait adapter une effigie plus ancienne et modifier son apparence, son costume, sa coiffure et d'autres éléments selon la mode. Un autre aspect intrigant du portrait de la collection Potocki est son auteur. Le style du tableau est très similaire aux peintures attribuées à Sofonisba Anguissola, qui de février 1560 jusqu'à l'été 1573 vécut à la cour d'Espagne, puis à Palerme, en Sicile, jusqu'en 1579. Le portrait de Catherine-Michelle d'Espagne (1567-1597), duchesse de Savoie (Christie's à New York, 14 octobre 2021, lot 101, inscription : . CATHARINA . AVST RIACA . INF . HISP / . DVCISSA . SAB) est particulièrement similaire. La manière dont le visage et l'arrière-plan ont été peints est également comparable à l'autoportrait de Sofonisba de 1558 (Palazzo Colonna à Rome, inv. 268) et au portrait de Gustav Eriksson Vasa (1568-1607) (Van Ham Kunstauktionen à Cologne, 2 juin, 2021, lot 926), identifié par mes soins. En 2014, une copie, peut-être l'une des nombreuses de ce tableau ou d'un autre, a été vendue à Londres avec une attribution au cercle d'Anthonis Mor (huile sur toile, 47,6 x 37,9 cm, Christie's, vente 5953, 30 avril 2014, lot 229). Ce tableau est daté de « 1567 » (en haut à gauche) et son style est comparable au portrait d'Isabelle de Gonzague (1537-1579), princesse de Francavilla du Metropolitan Museum of Art (inv. 63.43.1), qui est attribué à Bernardino Campi (1522-1591), le professeur de Sofonisba. Outre ce tableau, le tableau le plus célèbre de la collection Potocki du château de Łańcut est une autre œuvre de Sofonisba Anguissola, son autoportrait au chevalet peignant un tableau dévotionnel avec la Vierge Marie, créé en 1556 (inv. S.916MŁ). Il est apparu pour la première fois dans les inventaires à partir de 1862 et a survécu à de nombreuses invasions de la Pologne, y compris la Seconde Guerre mondiale. Bien qu'on pense qu'il fut inclus dans les collections du château dans la seconde moitié du XVIIIe siècle grâce à la princesse Izabela Lubomirska (1736-1816), dite « La Marquise Bleue », qui l'aurait acheté lors d'un de ses voyages à travers l'Europe, il Il est également possible qu'il ait été transférée en Pologne dès le XVIe siècle et les deux tableaux témoignent qu'Anguissola travaillait fréquemment pour des clients de Pologne-Lituanie, directement ou indirectement comme dans ce cas.
Portrait de Marie du Portugal (1538-1577), duchesse de Parme et de Plaisance, de la collection Potocki par Sofonisba Anguissola ou atelier, vers 1566-1575, Museo de Arte de Ponce.
Portrait de Marie de Portugal (1538-1577), duchesse de Parme et de Plaisance par Bernardino Campi ou Sofonisba Anguissola, 1567, collection privée.
Portrait d'Alexandre Farnèse (1545-1592), duc de Parme et de Plaisance par Antoon Claeissens, vers 1587, Musée national de Varsovie.
Portrait d'Alphonse II d'Este (1533-1597), duc de Ferrare par Hans von Aachen, vers 1587-1597, Musée national de Varsovie.
Portraits de Don Joseph Nasi, duc de Naxos par Lorenzo Sabatini et cercle
« Pendant que Sélim séjournait à Kütahya en tant que gouverneur du sultan, Don Joseph Nasi venait d'arriver à la cour du sultan, et par ses manières habiles, sa conversation polie et, surtout, ses richesses, il captura tellement le cœur du sultan qu'il a écrit une lettre à Hercule II, duc de Ferrare, lui demandant d'autoriser le parent de Don Joseph à déménager avec sa propriété en Turquie, ce qui s'est également produit en 1558 », écrit Aleksander Kraushar dans son « Histoire des Juifs en Pologne », publiée à Varsovie en 1865 (Historya Żydów w Polsce, Volumes 1-2, p. 314).
L'auteur fait référence au prince Sélim (1524-1574), fils de Hurrem Sultan (Roxelane), épouse du sultan Soliman le Magnifique, qui après la mort de sa mère en 1558 s'engagea dans une lutte ouverte avec son frère Bayezid pour le trône. Le prince Sélim, qui avait le soutien de son père, est sorti victorieux et Bayezid s'est échappé vers l'empire safavide avec ses fils et une petite armée. Don Joseph Nasi (vers 1524-1579), mentionné dans ce fragment, était un diplomate juif, banquier et conseiller financier à la cour des sultans ottomans Soliman Ier et de son fils Sélim II. Au cours de sa vie mouvementée, il a porté différents noms : le portugais João Miques au Portugal, l'italien Giovanni Miches à Venise, le castillan Juan Miguez en Espagne et en Flandre et Joseph Nasi ou Jusuff Nassy à Constantinople (Istanbul) et de nombreuses variantes de ces noms. Il est né vers 1524 au Portugal, où la famille avait fui les persécutions en Castille. Le père de Joseph, Agostinho, était un médecin qui enseignait à l'Université de Lisbonne et sa tante était Gracia Mendes Nasi (1510-1569), également connue sous son nom christianisé Beatrice de Luna Miques, épouse de Don Francisco Mendes. Ce dernier, associé à son frère Diogo, bâtit un véritable empire commercial en négociant principalement les épices. Dans les années 1530, suite à l'établissement de l'Inquisition au Portugal et à la mort de Don Francisco, Joseph s'enfuit avec sa tante Dona Gracia, qui reprit la direction des opérations bancaires de son mari, à Anvers. L'énorme richesse lui a permis d'influencer les rois et les papes. Vers 1545, la famille s'installe à Venise et de là à Ferrare, plus tolérante. Pendant ce temps, ils reviennent plus ouvertement au judaïsme. En 1553, une traduction judéo-espagnole de la Bible hébraïque, une dédiée au duc Hercule II d'Este (1508-1559) et une pour le public juif dédiée à Gracia Nasi, fut publiée à Ferrare - la Bible de Ferrare. Bientôt, après des disputes sur le contrôle des propriétés familiales avec sa sœur Brianda et un accord conclu en 1552, ratifié devant le Sénat de Venise, Gracia s'installe avec sa fille Ana, qui avait adopté le nom de Reyna, et sa cour à Istanbul, où elle s'installe dans le quartier européen de Galata en 1553. En janvier de cette année-là, Joseph enlève sa riche cousine Beatrice (Gracia la Chica, Petite Gracia), la fille de Brianda, à Venise et l'épouse à Ravenne. Il a été capturé et banni définitivement du territoire vénitien, y compris de toutes les possessions méditerranéennes de la République. Nasi s'est ensuite rendu à Rome pour obtenir du pape qu'il lève l'interdiction et que sa femme et sa fortune lui soient restituées. Sa tante envoya un bateau de Raguse à Ancône pour le chercher ainsi que son frère Samuel (Bernardo), et ils s'embarquèrent pour Istanbul en novembre 1553. Quelques mois après son arrivée à Constantinople, il professa ouvertement la religion juive et se fit circoncire, épousa sa cousine Reyna (Ana) selon le rite juif et s'installe avec elle et sa tante dans un magnifique palais, le Belvédère avec vue sur le Bosphore. La carrière politique de Nasi débute au service du sultan ottoman Soliman le Magnifique qui, outre sa richesse, apprécie également ses excellentes relations économiques et politiques à travers l'Europe et sa familiarité avec la mentalité des empires chrétiens. Selon un rapport, « il y a peu de personnes de compte en Espagne, en Italie ou en Flandre qui ne le connaissent pas personnellement ». Le marchand allemand Hans Dernschwam, qui participa à l'ambassade de Ferdinand Ier à Constantinople (1553-1555), décrivit Nasi et sa famille dans son journal : « Le susdit scélérat arriva à Constantinople en 1554, avec une vingtaine de serviteurs bien habillés, qui suivez-le comme s'il était un prince. Il porte des vêtements de soie doublés de zibeline ». Dernschwam critique son style de vie somptueux, sa suite à la mode de la noblesse européenne, organisant des tournois et des représentations théâtrales dans son jardin (d'après « The Long Journey of Gracia Mendes » de Marianna D. Birnbaum). Entre-temps, en Italie, lorsque Brianda et sa fille ont déclaré leur intention de se confesser ouvertement au judaïsme, le conseil et le doge ont décidé que les femmes devaient quitter Venise. Ils s'installèrent à Ferrare, où en 1558 Gracia la Chica (Beatrice) fut fiancée à Samuel (Bernardo) Nasi, le frère de Joseph. Nasi, par l'intermédiaire des émissaires du sultan, négocia avec succès le sauf-conduit de son frère et de son ex-épouse de rite chrétien pour rejoindre leur famille à Constantinople, après l'approbation accordée par le duc de Ferrare le 6 mars 1558 et par Venise en mai de la même année (d'après « Italia judaica...», p. 177). Vers cette époque ou après l'arrivée à Istanbul, une médaille de bronze avec le buste de Gracia la Chica à l'âge de 18 ans (A AE XVIII), commémorant le mariage ou les fiançailles, fut commandée à un médailliste italien, actif principalement à Florence et dans la ville voisine de Sienne - Pastorino de' Pastorini (British Museum, 1923,0611.23). Bien qu'il soit affirmé qu'il a beaucoup voyagé en Italie pour créer ses médailles, il est plus probable que la majorité d'entre elles aient été créées à partir de dessins envoyés de différents endroits. La reine Bona a également commandé une médaille avec son buste, créée en 1556 (Musée national de Cracovie, MNK VII-Md-70), très probablement commandée de Bari. Joseph obtint la faveur du prince Sélim qui le fit membre de sa garde d'honneur. Lorsque le pape Paul IV a condamné un groupe de convertis à Ancône dans les États pontificaux en 1556 à être brûlé sur le bûcher, Gracia et Joseph ont organisé un embargo commercial sur le port. Puis Gracia a signé un bail à long terme avec le sultan Soliman pour la région de Tibériade en Galilée. À partir de 1561, Joseph fit reconstruire les murs de la ville et encouragea l'immigration d'artisans juifs de Venise et des États pontificaux. Lorsque le pape Pie V publia la bulle du 26 février 1569 expulsant les juifs de son État, beaucoup se rendirent au fief de Nasi. Après la mort du sultan Soliman Ier en 1566 et l'ascension de Selim II au sultanat, il récompensa Joseph du duché de Naxos et des Cyclades pour ses services qu'il dirigea par l'intermédiaire de son gouverneur Francesco Coronello, un juif espagnol. Joseph était au sommet de son pouvoir économique et politique. Il soutint la guerre avec la République de Venise, au terme de laquelle Venise perdit l'île de Chypre. Nasi a principalement gouverné le duché depuis son palais du Belvédère, où il a également entretenu sa propre imprimerie hébraïque, dirigée par sa femme, Dona Reyna, après la mort de Joseph. En tant que personnage influent de l'Empire ottoman, il correspondit avec les monarques les plus importants d'Europe et leurs représentants, dont Sigismond II Auguste. Il fut présenté au monarque de Pologne-Lituanie en 1562 par le sultan Soliman lui-même, en ces termes : « un gentilhomme digne de tout honneur, fidèle et favorisé de Nous » (d'après « History of the Turkish Jews … » d'Elli Kohen, p. 74). Selon certaines lettres survivantes, les deux correspondaient en latin et en italien - « À Joseph Nasi le Juif. Agile, reconnaissant, qui nous est cher » (Josepho Nasi Judaeo. Strenue, grate, nobis dilecte), écrivit le roi en latin recommandant son ambassadeur à la Haute Porte en 1567 le calviniste Piotr Zborowski (mort en 1580), châtelain de Wojnicz. « Sacré Majesté ! [...] Je désire ardemment servir Votre Majesté non seulement dans ce cas de bonne et grande valeur, mais dans toute autre chose que Vous me commandez » (Sacra Magesta! [...] Essendo io desideratissimo servir Vestra Magesta non solo in questo si bene e di tanto valore, ma in ogni altera cosa che quella mi commandi), a répondu Nasi en italien concernant les relations amicales avec Sélim. Dans une lettre du 25 février 1570 de Varsovie (Varsaviae, die XXV Februari) « Au juif Nasi, roi Sigismond Auguste : Distingué monsieur, notre ami bien-aimé ! » (Judaeo Nasi Sigismundus Augustus rex: Excelens domine amice Nr. dilecte), le roi évoque une affaire secrète (negotii), probablement un projet d'achat de la Principauté de Valachie au sultan, « dont vous apprendrez en détail par Notre envoyé Wancimulius, à qui nous avons confié oralement cette affaire par sécurité ». Cet envoyé était Zuane Vancimuglio de Vicence (Joannes Vancimulius Vincentinus), qui auparavant, en tant qu'espion de l'Inquisition, traquait les hérétiques dans les possessions vénitiennes. Nasi l'envoya en Pologne pour faire savoir au roi que les Turcs étaient prêts à fournir un soutien militaire pour obtenir Bari et Rossano d'Espagne (d'après « Zuane Vancimuglio, agent wioski Zygmunta Augusta » de Stanisław Cynarski, p. 361). En septembre 1569, il fut l'envoyé du roi à Rome et après son retour en Pologne, il fut envoyé en Turquie. En juin 1570, Vancimuglio était en Pologne et à la fin de l'automne de cette année-là, il retourna à Rome et y fut emprisonné pour homosexualité (de Venere vetita) avec un « garçon qui était déjà fouetté publiquement à Rome » (Chłopcza thego, quo abusus esse dicitur yuz chwostano publice po Rzimye), probablement un homme prostitué, et espionnant pour la Turquie, comme l'a informé Jerzy de Tyczyn (Georgius Ticinius), secrétaire du roi, dans une lettre du 2 décembre 1570 à l'évêque Marcin Kromer. La dernière mention de lui provient d'une lettre du cardinal Stanisław Hozjusz très réticent à son égard au roi du 31 mars 1571, dans laquelle il écrit que « Vancimuglio a déjà reçu sa récompense » (Vancimulius iam accepit mercedem suam). Dans une lettre du 7 mars 1570, également de Varsovie (Datum Varsaviae, die VII martii anno MDLXX), recommandant son ambassadeur Jędrzej (Andrzej) Tarnowski, le roi appelle Nasi le « Prince illustre, notre ami bien-aimé » (Illustris Princeps amice noster dilecte) et l'assure que « Votre Illustre peut être convaincue que Nous sommes également prêts à vous fournir des services similaires chaque fois que l'occasion se présentera ». À la suite des relations particulières qui se sont développées entre Don Joseph et les rois polonais, en particulier Sigismond Auguste, plusieurs de ses agents se sont installés à Lviv, et la ville a servi de base au commerce polono-turc (d'après « Jewish history quarterly », Issues 1 -4, 2004, p.8). Il a également obtenu des privilèges commerciaux du roi. Sigismond Auguste avait sans aucun doute une effigie peinte du duc de Naxos et Joseph avait un portrait du monarque polono-lituanien dans son palais du Belvédère, comme il était de coutume au XVIe siècle pour des personnages aussi importants. Semblables à la médaille avec le profil de sa cousine Gracia la Chica, de telles effigies ont été commandées en Italie, mais probablement pas à Venise, car les relations de la famille Nasi avec la « reine de l'Adriatique » n'étaient pas amicales. Les résidences opulentes des rois et des magnats polono-lituaniens, comme le château de Koniecpolski à Pidhirtsi (Podhorce) près de Lviv dans l'ouest de l'Ukraine, étaient remplies des œuvres d'art les plus exquises créées par des artistes locaux, européens et orientaux (peintures, sculptures, tapisseries, argenterie, armes de parade, harnais de gala, tapis, bijoux turcs et persans, etc.). Le roi élu Stanislas Auguste Poniatowski (1732-1798), commanda des portraits de Chajka et Elia, deux juives de Zhvanets (Musée national de Varsovie), et de l'époque d'Esterka, la maîtresse juive du roi Casimir le Grand, qui régna entre 1333 et 1370, les Juifs étaient proches de la cour royale en tant que médecins, fournisseurs et banquiers, tant de portraits d'eux se trouvaient également dans la collection royale, malheureusement tout fut pillé, détruit et dispersé. En 1567, Joseph rend public son attachement à l'Espagne. Cette année-là, les négociations pour une trêve entre l'Empire ottoman et le Saint Empire romain germanique ont commencé, tandis que Nasi a commencé à importer de la laine et des moutons mérinos (pour la laine) d'Espagne et des mûriers (pour les vers à soie) de France, avec l'intention de démarrer une industrie textile. En 1570, Joseph demanda même un sauf-conduit pour lui-même et tous ses proches pour retourner en Espagne. Il a demandé à être gracié pour avoir suivi la loi juive. On ne sait pas s'il était sérieux dans cet aveu et ses intentions ne sont pas clairement connues (d'après « Joseph Nasi, Friend of Spain » de Norman Rosenblatt, p. 331). Après la défaite subie par les forces ottomanes à la bataille de Lépante (7 octobre 1571), l'influence de Joseph à la cour diminua progressivement. La mort de Sélim II en 1574 le fit se retirer de la cour, il fut néanmoins autorisé à conserver ses titres et ses revenus. Nasi mourut le 2 août 1579, ne laissant aucun descendant. En 2017, un portrait d'un vieil homme barbu dans un riche manteau doublé de fourrure, « probablement Hercule II d'Este, duc de Ferrare et Modène », a été vendu à Barcelone, Espagne (huile sur toile, 112,6 x 100,6 cm, Balclis, 31 mai 2017, lot 1393). Le tableau est attribué à l'école italienne de la seconde moitié du XVIe siècle. Il représente un vieil homme assis sur une chaise, et près d'une table recouverte d'un tapis rouge. L'homme n'a aucune ressemblance avec le duc de Ferrare d'après ses effigies, comme la médaille de Pastorini d'environ 1534 (National Gallery of Art, Washington), cette identification doit donc être rejetée. Il tient une lettre et pointe vers le destinataire « À Hercule II, duc de Ferrare et Modène, 1558 » (A / Hercole II. / Duca di Ferrara e Modena / 1558). Les dates n'étaient généralement pas ajoutées dans le champ du destinataire, de sorte que la lettre et le portrait lui-même commémorent un événement important dans la vie du modèle. En 1558, le sultan, à la demande de Joseph Nasi, correspondit avec Hercule II concernant le déménagement de ses proches de Ferrare. Une copie presque exacte (ou originale) de ce tableau existe. Il se trouve dans la Galleria Estense à Modène (huile sur toile, 115 x 92 cm, numéro d'inventaire R.C.G.E. 12) et avant 1784, il faisait partie de la collection des ducs de Modène dans leur palais (Palazzo Ducale). Ce tableau est de meilleure qualité, donc celui d'Espagne pourrait être une copie d'atelier. Il est daté d'environ 1570-1576 et attribué à l'unanimité à Lorenzo Sabatini (décédé le 2 août 1576), un peintre de Bologne dans les États pontificaux, qui s'installe à Rome en 1573 pour travailler sous Vasari au Vatican. Le destinataire de la lettre est différent. Elle est adressée à Quaranta Malvasia de Bologne, trésorier de la Romagne (All Ill.re Sig.r mio prone oss.mo Il / sig.r Quaranta Malvasia Thes.ro di Romagna / Bologna), identifié à un certain Cornelio Malvasia qui était un membre du Conseil des quarante sénateurs (Consiglio dei Quaranta), qui gouvernait la ville de Bologne. Sabatini a travaillé pour la famille Malvasia à Bologne (vers 1565, il a peint le retable et les fresques de leur chapelle dans l'église de San Giacomo Maggiore, et il était l'auteur de portraits mentionnés dans leur maison), cependant, pourquoi Quaranta Malvasia a commandé un portrait dans lequel il pointe son nom sur la lettre ? S'il s'agissait de son portrait, il préférerait tenir une lettre du pape, de l'empereur, du roi de Pologne ou même du sultan. Il a plutôt commandé ou reçu le portrait d'un homme célèbre tenant une lettre à son intention, ce qui serait un signe de grand respect. L'homme était très probablement un partenaire commercial important du trésorier de la Romagne (États pontificaux, y compris les duchés de Ferrare et de Modène) et la lettre concernait des questions financières ou le sauf-conduit des Juifs des États pontificaux. L'homme est donc Don Joseph Nasi, qui avait environ 52 ans en 1576 (né en 1524 ou avant) et mourut exactement 3 ans après Sabatini.
Portrait de Don Joseph Nasi (vers 1524-1579), duc de Naxos tenant une lettre à Hercule II, duc de Ferrare par cercle de Lorenzo Sabatini, vers 1570-1576, Collection privée.
Portrait de Don Joseph Nasi (vers 1524-1579), duc de Naxos tenant une lettre à Quaranta Malvasia de Bologne, trésorier de Romagne par Lorenzo Sabatini, vers 1570-1576, Galleria Estense à Modène.
Portraits de Claire de Brunswick-Lunebourg, duchesse de Poméranie et Dianora di Toledo par Giovanni Battista Moroni
Le 15 octobre 1595, à l'âge de 22 ans, le prince Philippe (1573-1618), fils aîné de Boguslas XIII (1544-1606), duc de Poméranie et de sa première épouse Claire de Brunswick-Lunebourg (1550-1598), se lance dans un voyage éducatif à travers l'Italie et la France.
Il était accompagné de plusieurs personnes nommées par son père et voyageait sous le nom de Christianus von Sehe. Par Meissen, Nuremberg et Augsbourg, Philippe atteint Venise. Puis il visita toute l'Italie et descendit jusqu'à Naples et Salerne. En chemin, il s'arrêta longuement à Rome. La prochaine étape du voyage était Florence, où il est resté pendant plus de trois mois. De là, il repartit pour Venise, d'où il partit pour l'ancienne ville de Forum Iulii (très probablement Cividale del Friuli), vers les villes de Styrie et de Carinthie. Il visita également deux puissantes forteresses vénitiennes : Palma et Gradisca, qui défendaient la République contre l'invasion des Turcs. De Milan, il traversa le lac de Côme, où il admira les collections de Paolo Giovio, jusqu'à Constance, où il trouva le lieu du martyre de Jan Hus. La nouvelle de la maladie de sa mère l'a empêché d'étendre davantage son voyage aux Pays-Bas, en France et en Angleterre. Le prince, attendant d'autres nouvelles de son père, ne partit que pour Besançon, puis pour la Lorraine, où il visita Nancy, et lorsque des nouvelles plus favorables parvinrent de Poméranie - il partit par l'Alsace jusqu'en Bohême, à la cour de l'empereur Rodolphe II. À Prague, il a vu les reliques de saint Venceslas et a rencontré Vincenzo Gonzaga, duc de Mantoue, grand mécène des arts et des sciences. Il rentra chez lui via la Bohême et la Silésie, où à Legnica il rencontra ses proches, et via Dresde revint à Barth fin novembre 1597 après plus de deux ans de voyage. Bientôt, cependant, le 26 janvier 1598, après une courte maladie, la mère de Philippe - Claire mourut au château de Franzburg. La duchesse de 48 ans est probablement morte de la peste. Enfant et adolescent, Philippe a bénéficié de l'éducation d'un prince de la fin de la Renaissance, comme c'était la coutume à l'époque, mais ses intérêts artistiques et scientifiques ont rapidement dépassé l'ordinaire. À l'âge de douze ans, il possédait déjà sa propre collection de livres et de peintures. Il écrivit ses premiers traités scientifiques à l'âge de 17 ans - Philippi II Pomeraniae Ducis De duarum in mediatore naturarum necessitate oratio, publié dans l'imprimerie de son père à Barth en 1590, et à l'âge de 18 ans il écrivit : « Il me fait plaisir de collectionner les meilleurs livres exquis, des peintures artistiques et des pièces de monnaie anciennes de toutes sortes. Grâce à eux, j'apprends à m'améliorer et en même temps à être utile au public » (Hoc est genus voluptatis meas, ut bonos selectissimos libros et artificiosas imagines et vetera omnis generis numismata maxime quaeram ex quibus me ipsum non solum corrigam, sed etiam, ut publice prodesse discam) (d'après « Die Kunst am Hofe der pommerschen Herzöge » de Hellmuth Bethe, p. 70). Afin de donner à ses nombreux trésors un espace approprié, Philippe a commandé sa propre chambre d'art, qui devait être logée dans l'aile extérieure ouest du château de Szczecin et sa bibliothèque avait env. 3 500 volumes et était organisée comme la grande bibliothèque de Florence. En échange des portraits des ducs de Poméranie, il reçut des peintures pour le musée de Szczecin comme le portrait de Charlemagne ou Frédéric Barberousse. Les liens qu'il a tissés au cours de ses voyages et de sa correspondance ont bénéficié des nombreux cadeaux qu'il a reçus et échangés. En 1617, l'épouse de Philippe, Sophie, a reçu des cadeaux d'anniversaire de dirigeants amis, du duc Guillaume de Bavière - une chaîne en or et de la grande-duchesse de Toscane - un miroir en cristal décoré de pierres précieuses et une écharpe brodée pour le recouvrir. Un souvenir important des relations amicales des dirigeants luthériens de Poméranie avec les grands-ducs catholiques de Toscane est un portrait du jeune frère de Philippe Boguslas XIV (1580-1637), duc de Poméranie de 1625, dans la Villa di Poggio a Caiano, un des villas Médicis les plus célèbres (huile sur toile, 74 x 55 cm, inv. OdA Poggio a Caiano 234 / 1911), identifiée par moi, qui entra probablement dans la collection des Médicis avec le portrait du « protecteur » de Poméranie, Gustave Adolphe (1594-1632), roi de Suède (palais Pitti à Florence, inv. 1890 / 5149). Ce portrait a été créé vers 1630 alors que le duc porte une miniature de Gustave Adolphe, qui envahit la Poméranie en août 1630 et força Boguslas à une alliance. Cependant, les relations de la maison régnante de Poméranie avec Florence et Venise étaient importantes depuis l'époque du duc Boguslas X qui visita l'Italie entre 1496 et 1498. Dans les archives de Florence conservé une lettre du duc Boguslas à la Signoria de Florence envoyée de Viterbe en 1498 (Ex Viterbio 1498). Par conséquent, la maison de Poméranie et les Médicis, sans aucun doute, ont fréquemment échangé leurs effigies. Dans la Galerie des Offices à Florence se trouve un portrait en miniature d'une dame en collerette de la fin du XVIe siècle (huile sur cuivre, 7,5 x 5,5 cm, Inv. 1890, 1117). La miniature a été identifiée avec celle décrite dans l'inventaire dressé après la mort de Ferdinand de' Médicis (1663-1713), Grand Prince de Toscane comme : « un semblable (ovale de cuivre) peint de la main de Pietro Purbos le portrait de une femme à collerette, vêtue à la flamande » (un simile (aovatino in rame) dipintovi di mano di Pietro Purbos il ritratto di una donna con collare a lattughe, vestita alla fiamminga), ainsi attribuée à Frans Pourbus le Jeune (1569-1622), bien que la paternité de son père Pieter Jansz. Pourbus (vers 1523-1584) ou de son atelier soit également probable. Une réplique de cette effigie, au Walters Art Museum à Baltimore (huile sur cuivre, numéro d'inventaire 38.204, don de la Fondation Abraham Jay Fink), est également attribuée au peintre flamand. Le costume du modèle avec une collerette et une coiffure plus grandes indique environ 1590 comme date possible de création - similaire à certaines effigies de Marguerite de Gonzague (1564-1618), duchesse de Ferrare, portrait d'Anne-Catherine de Gonzague (1566-1621), archiduchesse d'Autriche de 1587, portrait d'Anne Knollys de 1582 ou portrait d'Anna d'Autriche (1573-1598), reine de Pologne d'environ 1592 (Château royal de Varsovie). La même femme a été représentée dans un portrait de Giovanni Battista Moroni, tenant un éventail d'une femme nouvellement mariée, au Rijksmuseum Amsterdam (huile sur toile, 73,5 x 65 cm, SK-A-3036). Ce tableau est daté entre 1560-1578 et a été acheté en 1925 à la Pinacothèque grand-ducale d'Oldenbourg (mentionné entre 1804-1918). La première mention de ce tableau date de 1682, date à laquelle l'œuvre fut répertoriée dans la collection de Gaspar Méndez de Haro (1629-1687), vice-roi de Naples : « 841 Portrait de femme tenant un éventail orné de perles de la main de Lorenzo Lotti », confirmé par les initiales « DGH, 841 » au revers de la toile (d'après « Giovanni Battista Moroni » de Simone Facchinetti et Arturo Galansino, p. 134). Elle porte une riche robe rouge et elle pose sa main droite sur un pendentif représentant une allégorie de la fidélité (une figure féminine sur un trône avec deux chiens à ses côtés). Un exemplaire de ce portrait a été vendu à Vienne en 2015 (huile sur toile, 72 x 64,5 cm, Dorotheum, 10 décembre 2015, lot 58). Le style du tableau indique que Sofonisba Anguissola était probablement l'auteur de cette copie, comparable à sa célèbre Partie d'échecs à Poznań (Musée national, inv. FR 434). Sofonisba a probablement vécu à cette époque soit en Espagne, soit en Sicile. La provenance et la localisation géographique de toutes les effigies indiquent que la femme était une figure internationale importante, épouse d'un souverain européen. Erdmuthe de Brandebourg (1561-1623) épouse de Jean-Frédéric de Poméranie (1542-1600) était représentée dans une robe rouge similaire dans un grand tableau représentant l'arbre généalogique de la maison de Poméranie, peint par un peintre néerlandais Cornelius Krommeny en 1598 (National Musée de Szczecin). Krommeny a très probablement créé son œuvre à Güstrow où il a travaillé comme peintre de la cour d'Ulrich III, duc de Mecklembourg et de sa femme Anne de Poméranie, à partir de quelques dessins d'étude, car aucune autre œuvre pour les ducs de Poméranie n'est connue, son séjour en Poméranie n'est pas confirmé et la ressemblance avec les ducs vivants est très générale. Erdmuthe a également été représenté dans une robe très similaire dans un tableau d'Andreas Riehl le Jeune, créé vers 1590, perdu pendant la Seconde Guerre mondiale. Ce n'est cependant pas Erdmuthe qui assura la continuité de la dynastie. Elle a épousé Jean-Frédéric le 17 février 1577 à Szczecin, cependant, leur mariage est resté sans enfant. C'était la première épouse du co-régent de Jean-Frédéric, Boguslas XIII, Claire de Brunswick-Lunebourg, qui a donné naissance à tous les successeurs masculins et féminins des ducs de Poméranie. Dans un tableau de Krommeny, elle est également représentée dans une robe rouge, mais plus à l'allemande et aucune autre effigie d'elle n'est connue. Les ducs et duchesses de Poméranie s'habillaient de la même manière, comme le confirme l'effigie de Jean-Frédéric et Erdmuthe en donateurs par Jakob Funck, peinte en 1602 (église Saint-Hyacinthe à Słupsk) et un portrait similaire de Boguslas XIII et de sa seconde épouse Anne de Schleswig-Holstein-Sonderbourg par un peintre inconnu de 1600. Le fils aîné de Claire, Philippe II, né le 29 juillet 1573, est représenté dans un pourpoint rouge dans la peinture de Krommeny. Claire et Boguslas se sont mariés le 8 septembre 1572 après la mort de son premier mari le 1er mars 1570, ce qui correspond à la datation générale du tableau à Amsterdam. Le couple a eu onze enfants. Après le mariage avec la riche veuve, Boguslas commande la construction d'un palais représentatif de la Renaissance à Neuenkamp nommé Franzburg en l'honneur de son beau-père, le duc François de Brunswick-Lunebourg. Il a également établi une ville basée sur le modèle de Venise, une république aristocratique aux allures vénitiennes avec un commerce florissant, notamment avec des céréales et de la bière, de l'artisanat et une académie pour concurrencer le Stralsund hanséatique voisin (d'après « Von der Rückkehr Bogislavs X ... » par Friedrich Wilhelm Barthold, p. 423). Cette fascination pour la Sérénissime vénitienne se reflète sans doute aussi dans la mode et l'art. En 1592, la duchesse a fait une entrée dans l'album amicorum d'Alexandre (1573-1627), duc de Schleswig-Holstein-Sonderbourg, devant les duchesses de Mecklembourg et de Legnica, tandis que l'entrée de son fils François de Poméranie (1577-1620), faite l'année suivante, c'est-à-dire en 1593, est accompagnée d'un dessin montrant une femme blonde dans une robe rouge quelque peu similaire avec une sous-robe blanche et tenant un éventail noir similaire (Stammbuch Herzog Alexander von Schleswig-Holstein-Sonderburg, pp. 36-38, 172, Bibliothèque de la duchesse Anna Amalia à Weimar, Stb 291). La femme des effigies mentionnées ressemble beaucoup aux filles de Claire de Brunswick-Lunebourg - Claire Marie (1574-1623) et Anne (1590-1660). Des portraits de la duchesse de Poméranie ont été commandés dans la République de Venise et en Flandre, étant les centres commerciaux, artistiques et artisanaux les plus importants de l'Europe de la Renaissance. Un autre portrait similaire d'un riche aristocrate par Moroni de la même période se trouve dans la Frick Collection à New York (huile sur toile, 51,8 x 41,4 cm, numéro d'inventaire 2022.1.01, acquis en 2022). La provenance de la peinture était peu connue jusqu'à relativement récemment. En 1928, il est apparu dans une vente d'antiquités de la collection du prince Gagarine de Saint-Pétersbourg, ainsi une provenance de la collection ducale de Poméranie ou de la collection royale polonaise est possible. La femme a une ressemblance frappante avec Eleonora di Garzia di Toledo ou Leonor Álvarez de Toledo Osorio (1553-1576), dite « Leonora » ou « Dianora », d'après son effigie signée (DIANORA DI TOLEDO) par un peintre florentin inconnu, dans la Villa Médicis de Cerreto Guidi près d'Empoli. La villa a été construite entre 1564 et 1567. Le 15 juillet 1576, Isabelle de Médicis (1542-1576), fille de Cosme Ier de Médicis, grand-duc de Toscane, et d'Éléonore de Tolède (Eleonora di Toledo), a été assassinée dans la villa par son mari Paolo-Giordano Ier Orsini en punition de son infidélité présumée (« étranglée à midi » par son mari en présence de plusieurs serviteurs, selon l'ambassadeur ferrarais Ercole Cortile). Un an plus tôt, en 1575, Orsini, petit-fils de Felice della Rovere (fille illégitime du pape Jules II) et de Costanza Farnèse (fille illégitime du pape Paul III) était représenté en un saint dans un portrait déguisé des membres de la famille Médicis par Giovanni Maria Butteri (Musée de la Cène d'Andrea del Sarto). Dianora était la cousine et amie proche d'Isabelle et mourut d'un « accident » similaire quelques jours auparavant, le 11 juillet 1576, étranglée avec une laisse de chien par son mari et cousin germain, Don Pietro de Médicis (1554-1604), dans la Villa Médicis à Cafaggiolo. On peut également mentionner la ressemblance des traits du visage et de la coiffure avec une autre effigie signée de Dianora (LEONORA / VXOR / DI PIERO / MEDIC / CE), au Kunsthistorisches Museum de Vienne, ainsi qu'avec des portraits de sa célèbre tante Éléonore de Tolède, nez allongé, forme des lèvres, dont les traits diffèrent dans les peintures de différents peintres et de leurs ateliers (Agnolo Bronzino, Alessandro Allori). Au printemps 1575, le mari de Dianora est envoyé à Venise pour rencontrer Bianca Cappello, la maîtresse et future épouse de son frère aîné, Francesco Ier, le nouveau grand-duc de Toscane. Ce voyage fut la première mission diplomatique du prince et la date de son séjour dans la République de Venise correspond à la datation générale du tableau de Moroni. Une série de portraits peints par un peintre célèbre et son atelier, comme c'était la pratique pour les membres des maisons régnantes, serait un bon cadeau pour sa jeune épouse, connue pour son goût artistique fin, ses amis et ses proches, d'où une miniature ou un dessin a probablement été utilisé pour le fabriquer. En 1560, Moroni peint Gabriel de la Cueva, 5e duc d'Alburquerque, un noble espagnol qui fut nommé vice-roi de Navarre en 1560 et plus tard gouverneur du duché de Milan en 1564, poste qu'il occupa jusqu'à sa propre mort en 1571 (Gemäldegalerie à Berlin, 79.1). Le tableau a été signé et daté en latin « 1560 / Giovanni Battista Moroni peint » (M.D.LX. / Io : Bap. Moronus. p.) et porte l'inscription originale en espagnol. On ne sait pas comment et quand lui et Moroni se sont rencontrés, peut-être qu'ils ne se sont pas rencontrés du tout et Moroni a simplement copié les traits du visage et la pose d'un tableau d'un peintre de la cour espagnole, comme Antonis Mor d'Utrecht aux Pays-Bas, réalisé à l'occasion de devenir vice-roi de Navarre. La même femme est reconnaissable sur une petite miniature en tondo conservée à Tabley House, Knutsford (huile sur cuivre, 10,2 cm, inv. 219.5). Elle est représentée couronnée et avec des attributs de sainte Catherine d'Alexandrie : une roue et une auréole. En raison de son costume de style florentin, le tableau est attribué à l'école florentine. Cependant, le style du portrait rappelle celui de Sofonisba Anguissola, comme l'autoportrait de la Fondation Custodia (inv. 6607) ou le Portrait d'une jeune femme de la Galerie des Offices à Florence (inv. 1890, 4047). Après sa mort tragique, de nombreuses personnes étaient sans aucun doute vivement intéressées à ce que Dianora et ses effigies soient oubliées.
Portrait de Claire de Brunswick-Lunebourg (1550-1598), duchesse de Poméranie par Giovanni Battista Moroni, vers 1572-1575, Rijksmuseum à Amsterdam.
Portrait de Claire de Brunswick-Lunebourg (1550-1598), duchesse de Poméranie par Sofonisba Anguissola, vers 1572-1575, collection particulière.
Portrait en miniature de Claire de Brunswick-Lunebourg (1550-1598), duchesse de Poméranie par l'atelier de Pieter Jansz. Pourbus ou Frans Pourbus le Jeune, vers 1590, Galerie des Offices à Florence.
Portrait en miniature de Claire de Brunswick-Lunebourg (1550-1598), duchesse de Poméranie par un peintre néerlandais, vers 1590, Walters Art Museum de Baltimore.
Dame en robe rouge, très probablement Claire de Brunswick-Lunebourg (1550-1598), duchesse de Poméranie, extrait de l'album amicorum d'Alexandre (1573-1627), duc de Schleswig-Holstein-Sonderbourg (page 173), vers 1593, bibliothèque de la duchesse Anna Amalia à Weimar.
Portrait de Dianora di Toledo (1553-1576) par Giovanni Battista Moroni, vers 1575, Collection Frick à New York.
Portrait en miniature de Dianora di Toledo (1553-1576) en sainte Catherine d'Alexandrie par Sofonisba Anguissola, vers 1575, Tabley House.
Portrait de Boguslas XIV (1580-1637), duc de Poméranie avec une miniature du roi de Suède par un peintre inconnu, vers 1630, Villa Médicis de Poggio a Caiano. Reconstruction virtuelle, © Marcin Latka
Portraits de Joachim-Frédéric de Brzeg par Adriaen Thomasz. Key
En 1574, Joachim-Frédéric (1550-1602), le fils aîné de Georges II le Pieux, duc de Brzeg-Oława-Wołów, arriva à Cracovie. Il y fut envoyé par son oncle l'électeur Jean Georges en tant que représentant du Brandebourg lors du couronnement du nouveau roi de Pologne, le prince français Henri de Valois. Durant sa jeunesse, Joachim-Frédéric a passé plusieurs années à la cour de son oncle. L'année suivante, en 1575, il assiste au couronnement de Rodolphe II comme roi des Romains à Ratisbonne.
Joachim-Frédéric était un représentant des Piasts de Silésie, descendants de la première dynastie dirigeante historique de Pologne. Aussi l'empereur Maximilien II, dont le fils l'archiduc Ernest d'Autriche était candidat au trône lors de l'élection libre de 1573, envoya une délégation au couronnement royal en le confiant à un autre Piast - Venceslas III Adam, duc de Cieszyn. Malgré la déception de la défaite de son fils, il fallait s'efforcer de maintenir de bonnes relations avec la Pologne, principalement en raison des inquiétudes concernant la Silésie. « Envers le roi de Pologne, il ne peut s'empêcher et Sa Majesté est remplie de regrets de le voir occuper cette charge qu'il a désignée pour son fils, [...], et aussi parce que ce roi, en plus d'être puissant et avoisinant à une grande distance, peut revendiquer la Silésie, une province très importante », rapporte un envoyé vénitien Giovanni Correr le 30 mai 1574 (finalement rédigé le 29 août 1578). Oratio Malaspina écrivit de Prague au cardinal de Côme le 10 juillet 1579 que l'envoyé polonais « venait renouveler les anciennes confédérations entre le royaume de Pologne et la province de Silésie » et l'évêque Giovanni Andrea Caligari écrivit de Vilnius au même cardinal de Côme le 10 août 1579 que « En plus des choses en Hongrie, le roi pourrait facilement prendre la Silésie et la Moravie à l'empereur, et il aurait l'aide de tous ces princes allemands qui n'aiment pas la maison d'Autriche, et ils sont nombreux » (d'après « Księstwo legnickie... » de Ludwik Bazylow, p. 482). Le portrait d'un homme provenant d'une collection privée de Pommersfelden près de Bamberg en Allemagne (huile sur panneau, RKD Research 53973), peint dans le style d'Adriaen Thomasz. Key, prouve que la clientèle du peintre était diversifiée. L'homme porte un costume typiquement français des années 1580 avec une large fraise. Ce costume et les traits du visage de l'homme sont très similaires à ceux de François de Bourbon (vers 1542-1592), duc de Montpensier, diplomate et commandant militaire français, comme le montre un dessin conservé au château de Pau avec une inscription correspondante (inv. P.78.9.1.14). Montpensier a pu poser directement pour le peintre lors de sa visite à Anvers en 1582, mais il était catholique, ce qui signifie que Key n'a pas seulement peint des protestants et des Anversois. Abraham de Bruyn (décédé en 1587), graveur flamand d'Anvers, qui s'établit à Cologne vers 1577, créa plusieurs représentations de nobles polono-lituaniens, cependant, seules trois gravures de personnes d'autres sphères sociales liées au territoire de la Pologne d'aujourd'hui sont connues. Ils représentent les habitants de Gdańsk (quatre patriciens de Gdańsk et neuf femmes de classes différentes) et deux femmes silésiennes, ce qui indique clairement les principales zones de présence néerlandaise dans cette partie de l'Europe. Alors que Martin Kober, peintre silésien né à Wrocław, devint vers 1583 le peintre de la cour du roi polonais Étienne Bathory, les principaux artistes travaillant en Silésie dans la seconde moitié du XVIe siècle étaient un peintre hollandais Tobias Fendt (mort en 1576), éduqué dans l'atelier de Lambert Lombard à Liège et actif à Wrocław depuis 1565, et le sculpteur Gerhard Hendrik (1559-1615) d'Amsterdam, qui entre 1578-1585 vécut à Gdańsk et après avoir voyagé en France, en Italie et en Allemagne, il s'installa à Wrocław en 1587. Le 19 mai 1577, Joachim-Frédéric épousa Anne-Marie d'Anhalt. Après la mort de son père en 1586, il reçut le duché de Brzeg auquel, cependant, sa mère Barbara de Brandebourg (1527-1595) avait droit en tant que veuve. Au Musée national de Varsovie, il y a un portrait d'un jeune homme en costume français - pourpoint de satin noir et fraise (huile sur panneau, 47 x 33 cm, numéro d'inventaire M.Ob.819 MNW, antérieur 186634). Il provient du point de collecte du ministère de la Culture et de l'Art Paulinum à Jelenia Góra en Silésie et a été acquis à la suite de la soi-disant campagne de restitution en 1945 (d'après « Early Netherlandish, Dutch, Flemish and Belgian Paintings 1494–1983 » par Hanna Benesz et Maria Kluk, article 351). Il est attribué à Adriaen Thomasz. Key, peintre flamand actif à Anvers, qui adopta le nom de famille Key après avoir repris l'atelier de son maître Willem Key en 1567. Adriaen se spécialisa dans le portrait et travailla avec succès pour de riches marchands et la cour. Il était calviniste, mais a continué à vivre dans la ville après la chute d'Anvers en 1585, lorsque tous les protestants ont eu quatre ans pour régler leurs affaires et quitter la ville. Il mourut à Anvers en 1589 ou après. Selon l'inscription dans la partie supérieure du tableau, l'homme avait 24 ans en 1574 (1574 / Æ T A 24), exactement comme Joachim-Frédéric, né le 29 septembre 1550 à Brzeg, lorsqu'il arriva à Cracovie pour le couronnement du prince français Henri de Valois comme roi de Pologne. Le même homme, en costume similaire, figurait sur un autre tableau attribué à Key, aujourd'hui au Kunsthistorisches Museum de Vienne (Gemäldegalerie, huile sur panneau, 98,5 x 71 cm, numéro d'inventaire 808), vérifiable en galerie en 1720, donc très probablement provenant des anciennes collections de la Maison des Habsbourg. En raison de dimensions similaires, ce portrait est considéré comme le pendant du portrait de dame daté de « 1575 » (Gemäldegalerie, huile sur panneau, 99,5 x 70,8, numéro d'inventaire 811), cependant la composition ne correspond pas. La femme est beaucoup plus grande lorsque l'on compare les peintures, ce qui est très inhabituel pour l'art de portrait européen, même si elle était en réalité plus grande. Comme les chiffres l'indiquent, ils n'étaient pas inclus dans l'inventaire en même temps et n'étaient donc pas considérés comme une paire auparavant. De petites différences dans ces images (à Varsovie et Vienne) sont perceptibles, comme la couleur des yeux, mais une comparaison avec les portraits de Philippe II, roi d'Espagne par Anthonis Mor et l'atelier, prouve que même le même atelier interprétait la même image différemment. L'homme ressemble fortement à Barbara de Brandebourg, la mère de Joachim-Frédéric, de sa statue au-dessus de la porte principale du château de Brzeg (créé par Andreas Walther et Jakob Warter, entre 1551-1553) et sa grand-mère Madeleine de Saxe (1507-1534), fille de Barbara Jagellon (1478-1534), duchesse de Saxe. Dans les portraits de Lucas Cranach l'Ancien et de son atelier (Art Institute of Chicago, pavillon de chasse Grunewald à Berlin), la couleur des yeux de Madeleine est différente (marron/bleu). La forme du nez est particulièrement caractéristique chez ces membres de la famille.
Portrait de Joachim-Frédéric de Brzeg (1550-1602), âgé de 24 ans par Adriaen Thomasz. Key, 1574, Musée national de Varsovie.
Portrait de Joachim-Frédéric de Brzeg (1550-1602) par Adriaen Thomasz. Key, vers 1575, Kunsthistorisches Museum de Vienne.
Portrait de François de Bourbon (vers 1542-1592), duc de Montpensier par Adriaen Thomasz. Key, années 1580, collection privée.
Portraits de Sigismond Bathory à un jeune âge par Domenico Tintoretto
Après l'échec des plans de céder le trône de la République polono-lituanienne à l'archiduc Ernest, car aucun monarque ne pouvait le faire sans l'approbation de la Diète, le Saint-Siège avait proposé le mariage de la princesse Anna Vasa à Sigismond Bathory, qui pourraient tous deux gouverner la République pendant l'absence du roi (Sigismond III partit pour la Suède en 1593).
Sigismond était le neveu du roi Étienne Bathory, qui le 1er mai 1585 confirma son âge légal en dissolvant le conseil de douze nobles qui régnaient la Transylvanie en son nom et fit de János Ghyczy le seul régent. Après la mort de son oncle en 1586, Sigismond fut l'un des candidats au trône de la République. Dans une lettre datée du 15 février 1591 d'Alba Iulia au grand-duc de Toscane Ferdinand Ier, Sigismond est décrit comme « très catholique », « prudent, chaste » et connaissant plusieurs langues, dont l'italien et le latin (Virtuoso, possede molte lingue, et imparticolare l’italiana et latina con ogni facondia). L'auteur de cette lettre est Simone Genga (1530-1596), un architecte italien qui, en 1584, quitta la Toscane et le service des Médicis pour entrer au service d'Etienne Bathory et vers 1591, il se rendit en Transylvanie. En 1592, à sa cour d'Alba Julia, Sigismond avait un grand groupe de musiciens italiens comme Giovanni Battista Mosto, Pietro Busto, Antonio Romanini ou Girolamo Diruta, entre autres. Outre les musiciens, il y avait aussi des architectes en Transylvanie à cette époque, comme le Vénitien Ottavio Baldigara à Oradea en 1584 et le déjà mentionné Simone Genga d'Urbino dans la même ville entre 1585 et 1599 (probablement en voyage depuis la Pologne-Lituanie), ainsi qu'Achille Tarducci de Corinaldo et le Bolognese Giovanni Marco Isolani en 1598 et bien d'autres. Les sources mentionnent aussi des marchands. En 1604, l'empereur Rodolphe II recommanda le marchand vénitien Gaspare Mazza au conseil municipal de Baia Mare et, selon un document daté du 1er septembre 1604, ce « Gaspar Mazsa negotiator italus » était en conflit avec Gerhard Lyssibona, un marchand de Cracovie, pour une dette de 6 000 écus (d'après « Italici in Transilvania tra XIV e XVI secolo » d'Andrea Fara, p. 348, 350). Aucun peintre n'est mentionné, ce qui indique que de nombreux tableaux ont été importés. Selon la lettre du 2 février 1593, le grand-duc Ferdinand lui-même écrivit à Giovanni di Agnolo Niccolini, sénateur florentin et ambassadeur des Médicis à Rome, que « l'homme venu de Transylvanie » avait acheté deux portraits des nièces du duc, Éléonore de Médicis (1567-1611) et Marie de Médicis (1575-1642), peints par Jacopo Ligozzi avec le intention de les envoyer en Espagne, à l'insu ou sans la volonté du grand-duc (il quale contra nostra voglia li volse far fare e portar seco in Spagna, dando occassione al Ligozzi [Iacopo] pittore di venderne come pure senza nostra saputa et volontà fece l’anno passato all’huomo venuto di Transilvania et potria essere che degli altri havesse dati fuora). Déjà en 1591, Sigismond avait l'intention d'épouser la princesse toscane. En juin 1591, Fabio Genga revint d'Italie en Transylvanie avec quelques galanterie et plus tard avec « un portrait de la noble dame et une paire de chevaux » (un ritratto della nobildonna e una pariglia di cavalli) envoyé à Sigismond par le grand-duc Ferdinand. Fabio fut, en 1594, l'ambassadeur de Sigismond à Rome, auprès du pape Clément VIII, en vue de la création de la ligue qui devait soutenir la Transylvanie dans la lutte contre les Ottomans (d'après « I rapporti tra il Granducato di Toscana e il Principato di Transilvania ... » de Gianluca Masi, p. 20, 216, 242, 250). À l'été 1593, il se rend à Cracovie déguisé pour entamer des négociations concernant son mariage avec Anna Vasa. Peut-être à cette occasion, soit la cour polonaise, soit Sigismond lui-même a commandé une série de portraits à Domenico Tintoret. On ne sait pas pourquoi les négociations ont finalement échoué, la raison possible pourrait être son homosexualité. Les élites ont probablement eu peur d'un autre « Valois frivole », qui s'enfuira du pays après quelques mois ou c'est Anna qui a refusé de l'épouser. Trois ans plus tard cependant, en août 1595, Sigismond épousa Marie-Christine d'Autriche, sœur d'Anne d'Autriche (1573-1598), devenant ainsi le beau-frère du roi de Pologne. C'était considéré comme un gain politique majeur, mais Sigismond a refusé de consommer le mariage. À l'été 1596, il envoya son confesseur, Alfonso Carrillo, en Espagne. Le jésuite demanda à Philippe II une aide financière, ainsi que l'Ordre de la Toison d'or pour Sigismond. Le roi a promis à Carrillo, en plus de 80 000 ducats d'aide et d'octroi de haute distinction, une aide diplomatique à la Pologne. Le 21 mars 1599, Sigismond abdiqua officiellement en recevant les duchés silésiens d'Opole et de Racibórz en compensation et quitta la Transylvanie pour la Pologne en juin. Le 17 août 1599, le pape Clément VIII dissout son mariage. Un jeune homme portant une fraise typique de la mode européenne des années 1590, connu par une série de portraits de Domenico Tintoretto, de son atelier ou de ses suiveurs, ressemble beaucoup à Sigismond Bathory d'après ses effigies les plus connues - gravures de Dominicus Custos (d'après un portrait de Hans von Aachen) et Aegidius Sadeler. Le prince avait 21 ans en 1593. Une version, à la Gemäldegalerie Alte Meister à Cassel (huile sur toile, 100 x 78,5 cm, GK 497), porte une inscription : ANNO SALVTIS / .M.D.L.X.X.X.V. (« L'année du salut 1585 ») sur une lettre posée sur une table à côté de lui. Il s'agit sans doute d'une lettre de l'oncle de Sigismond, le roi Étienne, confirmant ses droits sur la Transylvanie et donc ses prétentions à l'héritage royal. L'autre, dans une collection privée à Marbourg (huile sur toile, 96,6 x 76,4 cm), porte l'inscription TODORE del SASSO / CIAMBERLANO / AETATIS SVAE XXXVI avec l'image d'une clé, prétendant donc représenter le chambellan Todore del Sasso, âgé de 36 ans, cependant aucun homme de ce type n'est confirmé dans les sources, notamment en tant que récipiendaire de l'ordre de la Toison d'Or (version au Mexique), l'inscription doit donc être fausse. Il ne peut pas s'agir également de François Marie II della Rovere (1549-1631), duc d'Urbin, comme le suggèrent certaines sources, car l'effigie ne correspond pas à ses traits et il avait son exquis peintre de cour Federico Barocci, qui a réalisé ses portraits. Un autre exemplaire de la collection royale suédoise réalisé par l'atelier de Domenico se trouve au Nationalmuseum à Stockholm (huile sur toile, 99,5 x 80,3, NM 150). Il fut probablement envoyé à Sigismond III, alors qu'il était en Suède pour son couronnement (19 février 1594). Il existe également une autre version au Museo Nacional de San Carlos à Mexico (huile sur toile, 69 x 54 cm). Il est attribué à Giovanni Battista Moroni ou Domenico Tintoretto, donc stylistiquement également proche d'un peintre né à Crémone, Sofonisba Anguissola, peintre de la cour des monarques espagnols. L'effigie est très similaire aux portraits précédents, seule l'ordre espagnol de la Toison d'Or a été ajouté. Il a très probablement été commandé par la cour polonaise ou par Sigismond lui-même vers 1596, sur la base d'une effigie de 1593. Dans plusieurs de ses effigies, Bathory porte des costumes traditionnels que l'on pourrait qualifier de hongrois-croates. Il a été représenté dans un tel costume dans Habiti Antichi Et Moderni di tutto il Mondo ... de Cesare Vecellio (Habito del Prencipe di Transiluania / Dacię Principis ornatus, p. 407), publié à Venise en 1598 (Bibliothèque Czartoryski à Cracovie, 2434 I Cim), après l'effigie du roi Sigismond III Vasa (Rè di Polonia / Poloniæ Rex, p. 346) et du sultan Murad III (Svltan A Mvrhat, p. 358). L'homme portant un tel costume est représenté dans le portrait provenant d'anciennes collections papales, aujourd'hui conservés dans la Galerie des peintures (Pinacothèque) des musées du Vatican (entrepôt, 646 / CG 117, MV.40646). Le tableau a très probablement été réalisé par un peintre italien, tandis que l'effigie de l'homme ressemble beaucoup aux effigies imprimées du prince de Transylvanie comme la gravure de Lambert Cornelisz., réalisée en 1595, la gravure de Crispin de Passe l'Ancien, le montrant âgé de 26 ans (Aetatis suæ 26), donc réalisé vers 1598, ou gravure réalisée à Venise par Giacomo Franco vers 1596 (signée : Franco Forma.). Malgré la ressemblance frappante avec la gravure mentionnée de Lambert Cornelisz., en raison de la présence d'un turban ottoman, le tableau de l'école de Prague du début du XVIIe siècle n'a pas été proposé à la vente comme portrait de Sigismond mais comme portrait d'un ambassadeur de l'Empire ottoman à la cour des Habsbourg (huile sur panneau, 111 x 89 cm, Sotheby's à New York, 11 juin 2020, lot 61) ou d'un jeune turc ottoman. Le même tableau a ensuite été proposé avec l'attribution au peintre de la cour des Habsbourg Jeremias Günther, qui de 1604 jusqu'à la mort de Rodolphe II en 1612 était Kammermaler à la cour de Prague (Dorotheum à Vienne, 11 mai 2022, lot 37). Tous les éléments de ce tableau, y compris la splendide armure de la fin de la Renaissance, probablement réalisée à Milan, le sceptre princier, le sabre oriental et le turban (la Transylvanie était un État vassal de l'Empire ottoman), indiquent que le portrait représente Sigismond Bathory, qui, à l'instar de la cour et des magnats polono-lituaniens, commandait des œuvres d'art aux meilleurs ateliers européens et ottomans.
Portrait de Sigismond Bathory (1572-1613), prince de Transylvanie à un jeune âge par Domenico Tintoretto, vers 1593, Gemäldegalerie Alte Meister à Cassel.
Portrait de Sigismond Bathory (1572-1613), prince de Transylvanie à un jeune âge par Domenico Tintoretto ou atelier, vers 1593, Nationalmuseum à Stockholm.
Portrait de Sigismond Bathory (1572-1613), prince de Transylvanie à un jeune âge par Domenico Tintoretto ou atelier, vers 1593, Collection particulière.
Portrait de Sigismond Bathory (1572-1613), prince de Transylvanie avec l'ordre de la Toison d'Or par Domenico Tintoretto ou Sofonisba Anguissola, vers 1596, Museo Nacional de San Carlos.
Portrait de Sigismond Bathory (1572-1613), prince de Transylvanie par un peintre italien, vers 1595-1598, Galerie de peintures des musées du Vatican.
Portrait de Sigismond Bathory (1572-1613), prince de Transylvanie par Jeremias Günther, vers 1595-1605, Collection particulière.
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